lundi 3 janvier 2011

Alexander Calder

alexander calder

Biographie Calder
"Pourquoi l'art devrait-il être statique ? En regardant une oeuvre abstraite, qu'il s'agisse d'une sculpture ou d'une peinture, nous voyons un ensemble excitant de plans, de sphères, de noyaux sans aucune signification. Il est peut-être parfait mais il est toujours immobile. L'étape suivante en sculpture est le mouvement". Alexander Calder

Alexander Calder
Alexander Calder 
Alexander Calder, sculpteur et peintre américain, naît le 22 juillet 1898 à Lawnton. Il décède le 11 novembre 1976 à New York. Alexander Calder est célèbre pour ses mobiles et ses stabiles.
Alexander Calder est le deuxième enfant d’un couple d’artistes qui l'incitent à créer dès son enfance. Son père, Alexander Stirling Calder, est un sculpteur de formation classique, sa mère, Nanette Lederer Calder, est peintre. À l’âge de 8 ans, ils lui installent un atelier dans la cave de leur maison californienne à Pasadena. Calder y perfectionne son aisance naturelle à manipuler les outils et y réalise des expériences pour créer des sculptures et des jouets à partir de matériaux ordinaires.
Calder reçoit une double formation d’ingénieur et d’artiste qui stimule son extraordinaire inventivité. Il fréquente tout d'abord le Stevens Institute of Technology, à Hoboken dans le New Jersey, pour y suivre des études de génie mécanique. Il entre ensuite à l'Art Students League de New York en 1923 et étudie la peinture d’après modèle et la composition picturale avec John Sloan, ainsi que le portrait avec George Luks. Il y étudie ensuite le dessin d’après modèle avec Boardman Robinson en 1924, puis le cours de lithographie de Charles Lockeen en 1925.
En 1924, Calder travaille comme illustrateur auprès de la National Police Gazette où il réalise des illustrations d’événements sportifs et de scènes urbaines. Le 24 juillet 1926 Calder arrive à Paris. Il assiste au cours de dessin de l’Académie de la Grande Chaumière. Il fait la connaissance d'un fabricant de jouets serbe qui l’encourage à créer des jouets articulés destinés à la production en série, puis commence la création du "Cirque Calder", un ensemble totalement original où interviennent des figures faites de fil de fer et dans lequel Calder joue le rôle de maître de cérémonie, de chef de piste et de marionnettiste en faisant fonctionner manuellement le mécanisme, le tout étant accompagné de musique et d'effets sonores. Calder crée les sculptures "Joséphine Baker" et "Struttin’ His Stuff". Il donne des représentations du "Cirque" pour Mme Frances C. L. Robbins, mécène de jeunes artistes.

sculpture Calder
Alexander Calder - "Crinkly avec disc rouge" (1973), Stuttgart En 1927, Calder expose ses jouets au Salon des humoristes au sein de la galerie La Boétie, à Paris. Le 27 Septembre il retourne à New York. Le 3 novembre 1928 Calder est de retour à Paris. Fin décembre, il rend visite à
Joan Miró, dans son atelier de Montmartre. Miró assiste par la suite à une représentation du "Cirque" dans l’atelier de Calder.
En avril 1929, se déroule l'exposition intitulée "Alexander Calder : Skulpturen aus Holz und aus Draht", à la galerie Neumann-Nierendorf, à Berlin. En mai, Pathé Cinéma produit un court métrage consacré au travail de Calder dans son atelier de la rue Cels. Calder invite Kiki de Montparnasse à poser pour un portrait en fil de fer pendant le tournage. En juin, Calder donne une représentation du "Cirque" dans l’atelier du peintre Tsuguharu Foujita. Le 22 Juin, il embarque à bord du De Grasse pour New York, en emportant son "Cirque". En décembre, les Fifty-Sixth Street Galleries de New York présentent "Alexander Calder : Paintings, Wood Sculptures, Toys, Wire Sculptures, Jewelry, Textiles". Calder réalise "Goldfish Bowl", sa première véritable sculpture mécanisée.
Le 17 Janvier 1931, Alexander Calder épouse Louisa James. Le couple part pour l’Europe à bord de l’American Farmer. L'oeuvre abstraite de Calder est présentée pour la première fois dans l’exposition "Alexander Calder : Volumes–Vecteurs–Densités–Dessins–Portraits", à la galerie Percier, à Paris. Construites en fil de fer et en bois, la plupart de ces oeuvres évoquent la disposition de l'univers. Pablo Picasso arrive à la galerie Percier avant le vernissage pour une visite privée de l’exposition. Il se présente à Calder. En juin, Calder se joint au groupe Abstraction-Création, groupe fondé en février 1931 comprenant notamment Jean Arp, Robert Delaunay, William "Binks" Einstein, Jean Hélion, Piet Mondrian et Antoine Pevsner. En juillet, ses sculptures en fil de fer sont présentées lors d’une exposition du Novembergruppe au Künstlerhaus de Berlin. En novembre, il expose avec Abstraction-Création à la Porte de Versailles, à Paris.
En février 1932, Calder expose au sein de la 5ème exposition annuelle de peinture française moderne de la Renaissance Society à l'Université de Chicago. L'exposition "Calder : ses mobiles" se déroule à la galerie Vignon à Paris. Il y expose 30 de ses sculptures qualifiées de mobiles par Marcel Duchamp. Réagissant au terme "Mobile", Jean Arp demande à Calder : "Qu’est-ce que c’est que ces choses que tu as faites l’an dernier [pour Percier] ? – des Stabiles ?" Calder adopte le terme "Stabile" pour ses oeuvres statiques.
En janvier 1933, les sculptures de Calder sont présentées dans l’exposition collective "Première série", organisée par Abstraction-Création, à Paris. Le 13 Février, Miró organise une exposition de dessins et de sculptures de Calder à la Galería Syra, à Barcelone. En juin, la galerie Pierre, à Paris, présente "Arp, Calder, Miró, Pevsner, Hélion et Seligmann". Les Calder quittent leur maison parisienne et retournent à New York.
Les années 1930 sont la période la plus fertile et la plus ambitieuse de la carrière de Calder. Il poursuit le travail entamé à Paris en affinant et en adaptant l’idée de composition abstraite en mouvement. En 1937, Calder achève "Devil Fish", son premier stabile, version agrandie d’un modèle et précurseur des oeuvres monumentales ultérieures. Cette année-là, les Calder font à nouveau un long séjour en Europe. À Paris, Calder reçoit une commande d’où naîtra la "Fontaine de mercure", exposée avec "Guernica" de Picasso et "Le Faucheur" de Miró au pavillon espagnol de l’Exposition internationale. Alimentée en mercure provenant de la ville d’Almadén, la "Fontaine" de Calder est une oeuvre ouvertement politique, symbolisant la résistance au fascisme franquiste. La première rétrospective de l’oeuvre de Calder a lieu en 1938 à la George Walter Vincent Smith Gallery de Springfield dans le Massachusetts. Une deuxième grande rétrospective, organisée par Sweeney avec la collaboration de Marcel Duchamp, se tient au Museum of Modern Art de New York en 1943.

Calder
Alexander Calder - Têtes et Queue, Stahl, 1965, Berlin Pendant la Seconde Guerre mondiale, cause d’une pénurie de métal, Calder se tourne vers le bois, le plâtre, les matériaux recyclés et les objets trouvés pour créer ses sculptures. Lors de sa visite à l’atelier de Calder en 1945, Marcel Duchamp est intrigué par ces petites oeuvres. Inspiré par leur caractère aisément transportable, il organise une exposition pour Calder à la galerie Louis Carré à Paris.
En 1952, Calder reçoit le grand prix de la Biennale de Venise. Il s'installe ensuite à Saché, au sud de Tours, village qu’il découvre grâce à son ami Jean Davidson. Il réside tout d’abord dans la maison dite "François Ier" sur les bords de l’Indre, puis en 1962 décide de construire le grand atelier sur le site du Carroi surplombant la vallée de l’Indre. Il n'hésite pas à offrir ses gouaches et de petits mobiles à ses amis du pays. Calder donne également à la commune un stabile qui trône depuis 1974 face à l'église : une antisculpture affranchie de la pesanteur.

En 1958, Calder réalise le mobile du siège parisien de l'UNESCO. À partir des années 60, les talents artistiques de Calder sont reconnus de par le monde. Une rétrospective de son oeuvre se tient au Solomon R. Guggenheim Museum à New York en 1964, avant d’être présentée au Musée national d’art moderne à Paris. En 1966, Calder publie son autobiographie.
Calder fait réaliser la majeure partie de ses stabiles et mobiles aux Etablissements Biemont à Tours, dont "l'Homme", tout en acier inoxydable de 24 mètres de haut, commandé par l'International Nickel du Canada pour l'Exposition Universelle de Montréal en 1967. Toutes les fabrications sont faites d'après une maquette réalisée par Calder, par le bureau d'étude pour concevoir à l'échelle réelle, puis par des ouvriers chaudronniers qualifiés pour la fabrication, Calder supervisant toutes les opérations, et modifiant si nécessaire l'oeuvre. Tous les stabiles sont réalisés en acier au carbone, puis peints, pour une majeure partie en noir, sauf "l'Homme" qui est en acier inoxydable (brut), les mobiles étant fabriqués en aluminium et duralumin.

En 1976, Calder assiste au vernissage d’une vaste rétrospective de son oeuvre, «Calder’s Universe », qui couvre plusieurs niveaux du Whitney Museum of American Art à New York. Quelques semaines plus tard, Calder meurt à l’âge de 78 ans.
"J’ai toujours adoré le cirque : à New York, je faisais des croquis pour un journal satirique, la Police Gazette. J’avais un laissez-passer, j’y allais tous les jours. C’est de là que date ma décision de réaliser un cirque, pour me distraire" Alexander Calder

Poétique du fil

EXPOSITION CALDER, LES ANNEES PARISIENNES AU CENTRE POMPIDOU


Avec l'exposition 'Calder, les années parisiennes' présentée à Beaubourg jusqu'au 20 juillet 2009, l'un des sculpteurs les plus emblématiques de l'art contemporain laisse apparaître un visage bien moins connu. Des personnages attachants, des animaux plus vrais que nature et des saynètes facétieuses se partagent la vedette dans ce monde onirique. Un angle inattendu mais qui révèle, chez l'artiste, une constante fondamentale ; le fil de fer comme vecteur d'une création en mouvement.

Alexander Calder, c'est d'abord le paradoxe du mouvement. Chez lui, la sculpture devient "mobile", la matière la plus dure, le fer, se tord et se fait souple, dynamique, confiant à l'oeuvre un mouvement inédit. Cet artiste affairé à exhiber son talent de constructeur mécanique confine, avec ses créations, à l'imaginaire le plus expressif, où ses figurines apparaissent comme autant de personnalités d'un univers fantaisiste. Dès ses premiers travaux, Calder c'est la modernité américaine immergée dans l'avant-garde parisienne, dans ses trouvailles comme dans ses références presque baroques et surannées d'un monde à l'aube de l'industrialisation, animé par l'artisanat et l'amour de la matière.

Lire la critique de l'exposition 'Calder, les années parisiennes'

Génie de l'ingénierie

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Lorsqu'il débarque à Paris en 1926, Calder n'a rien de l'artiste prédestiné. S'il a étudié le génie mécanique et les beaux-arts, il n'est l'auteur que de quelques sculptures et de dessins d'illustration publiés dans des revues américaines. Mais déjà, son talent éclate et son arrivée au coeur du Montparnasse des Années folles, qui bat alors au rythme des avant-gardes du monde entier, va s'affirmer en tirant parti de sa double formation d'ingénieur et d'artiste. Dès ses premières oeuvres, Calder affirme son style. Tandis qu'il multiplie les caricatures, le sculpteur développe une technique bien à lui qui le mènera à produire les portraits des personnalités à l'aide de simples fils de fer. Tout le gotha y passera. De son marchand Erhard Weyhe à Joan Miro, d'Edgar Varèse à Kiki de Montparnasse, c'est toute une scène historique que Calder immortalisera.

Et sa trouvaille technique tient du prodige. Loin de la sculpture en cours à son époque, ses portraits dessinent, à l'aide de simples traits, les expressions et les postures comme aucun autre n'a su le faire. A minima, Calder propose une relecture schématisée de ses modèles. Un trait pour délimiter la forme du visage, deux sphères pour les yeux et un savant méli-mélo de courbes et de noeuds pour le nez et la bouche. Le tout sans séparer les parties, le fil relie toujours les traits du visage à la tête. Suspendues dans les airs, ces montages dessinent, par leur ombre, des figures en mouvement sur les parois. Non seulement Calder réintroduit le dessin dans l'espace en faisant du fil de fer une trace d'encre en lévitation dans le monde qui l'entoure, mais plus encore, la lumière imprime sur les murs les dessins éphémères qui ne sont que les reflets mouvants de ces créations. La force de gravité devient un mouvement horizontal. Eclairées par une lumière frontale, les sculptures viennent abîmer leurs ombres aux cimaises.


"Daumier du fil de fer"

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Comme une marque de fabrique, ses portraits vont se multiplier et assurer la renommée d'un artiste que l'on aura tôt fait de comparer au célèbre caricaturiste Daumier. Comme lui, il partage un même goût de la ligne vive, de la dynamique des corps dans l'espace. Plutôt que le trait, le fil de fer va ainsi garantir à Calder le rapport décisif à la vitesse, à la compréhension du mouvement. Ce passionné d'animaux n'aura en effet eu de cesse d'en étudier les déplacements pour en tirer, là aussi, l'essence fondamentale. Comment reproduire une action complexe de la nature ? En la décomposant, en la découpant en étapes essentielles. C'est là toute la force de Calder qui, avant d'être un sculpteur de génie, est surtout un observateur virtuose, capable de repérer les attitudes, les postures les plus explicites pour rendre compte d'un enchaînement d'images infini. "Aussi, en dessinant le singe ressent-on la nécessité de donner l'impression que le singe est en train de faire quelque chose." Comme une nécessité, Calder multipliera donc, en parallèle de ses portraits, les sculptures de genre où les animaux côtoient les sportifs, où les faits de société côtoient les célébrités. De cette lecture attentive du monde naîtront ainsi ses 'Joséphine Baker', véritables chefs-d'oeuvre d'une pratique qui trouve là son point d'orgue. Tout, du visage à la courbe des bras, des accessoires vestimentaires aux raccourcis symboliques qu'il invente pour représenter son modèle, respire l'attention folle portée sur les détails, pour mieux les sélectionner, les isoler et les couper.

C'est la magie du fil de fer. D'un seul tenant, ses oeuvres laissent le sentiment d'une majesté dans l'exécution, où l'économie du geste reflète la vivacité du trait. Une référence cette fois orientalisante ; difficile de ne pas filer la métaphore pour évoquer la sculpture de Calder comme une calligraphie du langage des corps. Un talent qui s'exprime à plein dans son 'Cirque', réalisé entre 1926 et 1931. Clou de l'exposition du centre Pompidou et véritable prouesse technique, cette oeuvre foisonnante démontre toute la magie et l'inventivité de l'utilisation du fil de fer. Ce monde miniature a constitué, lors du séjour parisien de Calder, une carte de visite de premier ordre. Car en plus de reproduire toute la population à l'oeuvre sous un chapiteau, Calder en a fait un terrain de jeu idéal pour des représentations. Dans son atelier, l'artiste aimait en effet à jouer les marionnettistes et actionner ses figurines capables d'effectuer toute une série de mouvements. Trésors d'ingéniosité, ses jouets permettent, de par leur structure filaire, une série d'actions que l'artiste ne cessait de mettre en scène. Du fil de fer, des tissus, cartons et autres matériaux de récupération auront alors suffi pour que les acrobates, équilibristes, dresseurs, magiciens et animaux prennent instantanément vie. Une magie naïve et envoûtante qui rappelle à quel point ce maître de l'abstraction a su se nourrir du spectacle quotidien pour ériger son oeuvre.


Du fil au mobile

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En germe, dès ses premières sculptures, c'est toute son oeuvre à venir qui se dessine. Le fil de fer s'imposera par la suite comme outil idéal pour garantir à ses formes dures une mobilité certaine. Léger, sans plein, Calder se contente des squelettes pour évoquer le tout, pour concevoir de nouvelles formes dans l'espace. L'entrée dans l'abstraction a donc des allures de continuité de la figuration qu'il a développée lors de ses années parisiennes. Bouleversé par sa visite, en 1930, de l'atelier de Piet Mondrian, Alexander Calder va modifier son approche et plonger avec délice dans le monde de l'abstraction géométrique pour s'étendre, par la suite, vers l'influence surréaliste et le retour au matériau brut qu'est le bois. Ses formes se font primitives et ses inspirateurs se nomment Jean Arp ou Joan Miro. Mais il n'oubliera jamais le fil, sa signature, dans un monde de l'art qui préférait alors le plein au vide, il reviendra rapidement à une nouvelle utilisation de sa découverte. C'est ainsi que, fort de toutes ses influences, le sculpteur va développer une esthétique qui changera définitivement le cours de la sculpture contemporaine. Avec ses mobiles, il dessine au fil de fer les éléments d'un monde que l'on pourrait presque comparer au règne végétal. De ces grandes branches métalliques sensibles aux inflexions de l'air, de ces légers pétales d'aluminium suspendus par de fines attaches et vacillant au moindre souffle de vent, c'est encore une fois la magie du fil qui produit son effet. L'élément presque invisible qui soutient, sans les emprisonner, les différentes pièces de ses créations et laisse au monde qui les entoure le soin de faire vivre des oeuvres pleines de poésie.

Guillaume Benoit pour Evene.fr - Avril 2009