mardi 1 février 2011

Fiches d'études d' Oeuvres

 Deux exemples de fiche d'étude d'oeuvres glanné sur le web.


Mode d’emploi
de la fiche-élève LIRE UNE IMAGE
Sujet
Dire en quelques mots quel est le sujet de l’image. L’idéal est de lui donner un titre voire
un sous-titre.
Impression
Préciser quelle est la première impression que fait cette image, quelle réaction elle
provoque. La noter par écrit. Si l'image est réussie, l'analyse des caractéristiques
techniques permettra de comprendre comment cette image a créé en nous cette
impression première
Technique
De quel type de représentation s’agit-il ? Peinture, statue, dessin, gravure, photo, etc.
Format
Dimensions de l’image en réalité. Il n'est pas toujours facile de répondre à cette question.
Mai elle mérite d'être posée. Peu de gens ont vu Guernica et ils en ignorent donc les
véritables dimensions, or la taille de cette oeuvre est un de ses éléments marquants.
Contexte
Où l’image est-elle normalement vue ? Musée, panneau publicitaire, magazine, album de
famille, décoration d'un intérieur ou d'une institution, etc.
Cadre
Valeur de cadre ? Gros plan, plan rapproché (plan poitrine ou plan taille), plan américain,
plan moyen, plan ½ ensemble, plan d'ensemble (ou plan général)
Angle
Plongée, contre-plongée, angle plat
Lumière
D’où vient la lumière (les lumières) ? Quelle est son intensité ? Est-elle naturelle ou
artificielle ? naturaliste ou spectaculaire ?
Couleur
Couleur(s) dominante(s), intensité(s), nuances, etc.
Composition
Comment l’image est-elle structurée ? (Faire un croquis)
points forts de l’image (ligne des tiers, nombre d’or)
lignes : parallèles, perpendiculaires, cercle, triangle
s’il n’y a pas de ligne visible : zones d’ombre, de lumière, de couleur.
Profondeur
Y a-t-il une grande ou une faible profondeur de champ ?
Perspective
L’image donne-t-elle-l’impression d’être plate? Suggère-t-elle au contraire qu’elle est en
trois dimensions?
Dénoté
Décrire l’image le plus objectivement possible : préciser quel est indiscutablement le
contenu de l’image
Connoté
Dire ce que l’image suggère pour vous (donc de façon très personnelle et subjective)





Analyser une image

Sujet


Impression

Technique

Format

Contexte

Cadre

Angle

Lumière

Couleur


Composition
&
Profondeur

Dénoté

Connoté



Expression libre

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L' annonciation, Fra Angelico

L'annonciation




Fiche d'identité

L'annonciation Fra Angelico 1433 Retable 150/180 cm

Fra Angelico

Guido di Pietro est né en 1387 dans le petit village toscan de Vicchio di Mugello. Son enfance et sa prime jeunesse nous restent inconnus. Il devient frère dominicain observant à Florence et dès 1423 est connu comme peintre sous le nom de Frate Giovanni di San Domenico da Fiesole. Il recevra plus tard le surnom de Fra Angelico et après sa mort celui de Beato Angelico.

C'est à Florence qu'il étudie la peinture à une époque où s'est amorcé un grand tournant dans cet art, particulièrement par l'introduction des règles de la perspective qui donnent dorénavant de la profondeur dans les tableaux.

En 1436, Fra Angelico est transféré au couvent de San Marco de Florence. Les Médicis financent la restauration des bâtiments et le chargent d'en exécuter la décoration. C'est ainsi qu'une grande partie de l'oeuvre du peintre n'est visible que dans ce couvent qui a été transformé en musée.

Le talent de Fra Angelico atteint une telle renommée que le pape Eugène IV l'appelle à Rome pour décorer la chapelle du Saint Sacrement de la Basilique Saint Pierre.
En 1450, il devient archiprêtre de Florence et est une fois demandé à Rome pour réaliser les peintures de la chapelle de Nicolas V. C'est dans cette ville que le moine décède en 1450. il est enterré dans l'église de Sainte Marie de Minerve.

Jean-Paul II l'a béatifié en 1984 et l'a déclaré Saint Patron des Artistes.



Ses influences

Le talent de Fra Angelico s'est révélé très tôt et à 20 ans, le tout jeune moine est déjà un peintre confirmé.
A son entrée au couvent, il exerce d'abord son art en réalisant les enluminures des missels mais très vite il préférera s'exprimer sur des retables ou dans les fresques murales.

Il utilise la détrempe, peinture dont les pigments sont liés avec du blanc d'oeuf ou de la gomme d'arbre par exemple.

Si ses premières oeuvres gardent les caractéristiques de la peinture médiévale, elles vont rapidement évoluer lorsque l'artiste va étudier les nouvelles techniques. Ce début de la Renaissance a vu en effet naître un nouveau courant artistique rompant avec l'art gothique. C'est Giotto en particulier qui va se dissocier des représentations traditionnelles, privilégiant la réalité des traits par rapport à la beauté allégorique et en introduisant la perspective.

Fra Angelico était un homme principalement tourné vers Dieu et vers les préceptes de son ordre : pauvreté et ascétisme. Devant le relâchement des règles dominicaines, il va s'attacher à empreindre chacune de ses toiles d'un profond mysticisme. On remarque cette volonté principalement dans les fresques ornant les cellules du couvent San Marco, elles sont souvent dépouillées à l'extrême afin que rien ne vienne distraire les pensées des occupants des chambres et pour les aider à centrer leur existence sur les Mystères.

Il attache également beaucoup d'importance aux jeux de lumière et des couleurs pour magnifier les personnages et parfois certains éléments de la nature.
L'annonciation de CortoneUn des thèmes fréquemment abordés par Fra Angelico est celui de l'Annonciation dont voici quelques exemples :

L'Annonciation exposée au Musée diocésain de Cortone, datant de 1433/34. Dans ce tableau, le point central est occupé par la porte de la chambre et par le rideau rouge qui la dissimule, pouvant symboliser le sang que la Vierge est prête à verser. Cette composition illustre le Mystère de l'Incarnation. Le dialogue entre la Vierge et l'Ange s'inscrit en lettres d'or. La réponse de Marie est transcrite de droite à gauche et à l'envers, une partie de la phrase est dissimulée par la colonne. Cette phrase est donc illisible pour le spectateur mais est tournée de manière à être comprise de Dieu. Dans le lointain, on peut voir Adam et Eve chassés du Paradis et à gauche de la scène principale, Fra Angelico a représenté le jardin de Marie.




L'annonciation de San Marco (1)

L'Annonciation : fresque murale décorant la cellule 3 du couvent San Marco de Florence, datant de 1440. la composition est ici extrêmement simplifiée. La maison et le jardin ont laissé place à une cellule sans aucun ornement. Les couleurs en demi-teintes achèvent de donner une impression de dépouillement. Sur la gauche se profile la silhouette de Saint Pierre.



L'annonciation de San Marco (2)

L'Annonciation fresque située dans le couloir sud du couvent de San Marco, datant de 1450. Cette peinture a été réalisée par Fra Angelico dans les dernières années de sa vie et plusieurs années après les autres fresques du couvent. Elle se situe entre la simplicité de la fresque de la cellule 3 et les oeuvres des musées du Prado et de Cortone. Le jardin est de nouveau présent et la Vierge est peinte dans une maison et non une cellule. Marie et Gabriel sont en grande conversation et on peut remarquer que celui-ci a une attitude plus soumise et plus respectueuse alors que dans les autres tableaux il domine la Vierge. La lumière éclaire l'intérieur de la pièce, soulignant ainsi l'importance de l'échange entre les deux personnages.



L'annonciation du Prado

L'Annonciation exposée au Musée du Prado de Madrid, datant de +/- 1430. cette interprétation de l'Annonciation par Fra Angelico est certainement la plus riche en décors. Elle place également l'Ange Gabriel au centre de la composition. C'est lui le principal personnage et non Marie. Il faut noter également que la scène où Adam et Eve sont chassés du Paradis prend plus d'importance que dans les Annonciations plus tardives. Cette partie du tableau a par ailleurs été à l'origine d'une controverse. En effet certains théologiens refusent d'attribuer cette oeuvre à Fra Angelico déclarant qu'un homme autant tourné vers la religion et le mysticisme que lui n'aurait jamais représenté cette scène dans le jardin pur de Marie.

dimanche 23 janvier 2011

Nouveau logo Hi d A

Pour plus de clarté les cours interdiciplinaires d' Histoire des Arts seront signalés par ce logo



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samedi 22 janvier 2011

Outil d'analyse d' oeuvre


 L’analyse d’oeuvre

Document produit par un groupe de travail composé d’IA-IPR d’arts plastiques à la
demande de l’ Inspection générale d’arts plastiques.

Méthodologie d'analyse d'oeuvre à l'usage de l'élève
ÊTRE CAPABLE DE VOIR ET DE COMPRENDRE UNE OEUVRE
À PARTIR DE SA REPRODUCTION

 
Une image en couleur sur papier. L'ai-je déjà vue? En reproduction ou de visu ? En ai-je
vu une reproduction en noir el blanc et/ou en couleurs? Celle-ci me paraît-elle fidèle à
l'original?

Quelle est la nature de cette oeuvre? Peinture - Sculpture - Assemblage – Installation -
Dessin
 
 
Est-ce une ébauche, une esquisse, une maquette, une oeuvre achevée? Sa matière (et
les matériaux qui la constituent) sont-ils apparents? Quels sont ses composants
plastiques?

S'agit-il d'une composition, d'une organisation d'éléments homogènes ou non, d'une
oeuvre aléatoire, d'une oeuvre éphémère...

S'il s'agit d'une peinture :
Quel est son degré d'iconicité (l’oeuvre « fait-elle » ou non image.). Quels en sont les
rythmes principaux (composition), quel est le rapport Fond/Forme en quantité et en qualité?

Perçoit-on des effets de transparence, de fluidité, d'épaisseur, de recouvrement, d'opacité, d'effacement …

Quels sont les choix chromatiques (couleur,palette), la dominante, le registre de valeurs, la lumière (éclairage ou lumière suggérée), l'organisation de l'espace, les bordures, le traitement proprement dit (touche, aplats, modelé, modulations), la gestualité apparente ou non, ledessin (cerne ou sertis, ou absence de graphisme)?

S'il s'agit d'une oeuvre tridimensionnelle: la photographie se présente-t-elle sur un fond
neutre ou non?

Rapport des vides et des pleins, texture...

Y a-t-il un socle? L'oeuvre est-elle montrée dans un espace spécifique, in situ, intégrée à un monument ou l'ornant?

A-t-elle une fonction, in situ, dans son contexte (lieu d'exposition) … ?

Le titre de l'oeuvre et la relation Titre/Sujet.

Les effets produits sur le spectateur. Comment sont-ils obtenus?
Ce que je sais: (connaissances culturelles et hypothèses)

Mise en perspective
Dans quelle période historique s'inscrit l'oeuvre? Dans quel courant ou mouvement
artistique?  A quoi renvoie-t-elle? Les sources, les prolongements...

En quoi l'oeuvre est-elle en relation avec la thématique du programme? Quelle est la problématique générale de l'oeuvre, celle plus spécifique à l'artiste?

Quelle interprétation raisonnée puis-je en faire? Quels liens peut-on tisser avec des
créations analogues (semblables), avec des modes de production différents, voire ceux d'une autre époque?

Plan, rédaction, vocabulaire spécifique, syntaxe juste, croquis.

Mise en forme
Se souvenir que la partie de l'épreuve du BNC consacrée à l'analyse d'oeuvre se
présente comme une invitation à une présentation sensible et raisonnée des éléments
constitutifs d'une oeuvre singulière et non comme une réponse à un sujet de dissertation.

Il ne s'agit donc pas d'ajouter des pages aux pages, de multiplier les informations,
encore moins de les répéter mais d'organiser sa réponse de façon concise et précise.

L’oral doit être structuré à partir de la découverte de l’oeuvre elle-même. Un vocabulaire
précis et spécifique rend inutiles de longs développements. Une interprétation
personnelle peut conclure l'analyse à condition d'en argumenter le propos et de le relier
au contexte artistique et historique. Des croquis ou schémas sont utiles s'ils ne
redoublent pas ce qui est écrit mais apportent un contrepoint ou un soutien visuels
pertinents.

Inspection Générale des enseignements artistiques –Inspection générale d’Arts plastiques / L’analyse d’oeuvre –Méthodologie d’analyse d’oeuvre à l’usage des élèves / Académie de Lille / Octobre 2006

 
Lexique;

abstrait, allégorie, angle de vue, anthropomorphe, aplat, arabesque,2 dimensions, cadrage, camaïeu, champ,
citation,clair-obscur,classique,cliché,collage,composition,concept,contraste,plongée/contre plongée, couleur, croquis,
dégradé, design, dessin, ébauche, échelle, encre, épreuve, espace, esquisse, estampe, figuratif, flou, fond, genre,
graphisme, gravure, image, in-situ, installation, lavis, ligne de fuite, lithographie, logo, lumière, manifeste, matière,
mobile, stabile, mouvement, nuance, perspective, plans, plein/vide, profondeur de champ, réfèrent, repentir, rythme,
sculpture, structure, style, support, surface ,teinte, titre, toile, ton, touche, trait , teinte, titre, toile, ton, touche, trait,
transparence, valeur, volume, .................

En résumé les analyses d'oeuvre des élèves doivent contenir les informations suivantes:


Présentation de l'oeuvre

Titre de l'oeuvre,  date d'exécution de l’oeuvre, nom de l'artiste; naissance/mort,. Lieu d'exposition, dimensions, technique de réalisation, matériaux utilisés...


Analyse technique et stylistique de l'oeuvre (décrire l'oeuvre telle qu'elle est):

Technique utilisée: peinture, dessin, gravure, sculpture, installation...
Genre: réaliste,symbolique,fantastique, abstrait, caricatural,...
Touche: apparente, fine, régulière, granuleuse, avec collages, relief,...
Choix chromatique: couleur; tonalité, contrastes, intensité, noir et blanc, monochrome,tons naturels, imaginaires...
Eclairage: naturel, ombre, source précise, diffuse, multiple
Composition: un seul plan (fond et forme confondu), plusieurs plans successifs, profondeur, relief, perspective...
Atmosphère générale: dramatique, didactique,...


Influence de l'oeuvre.

Mouvement artistique ou historique( Réalisme,Surréalisme,Pop Art, Land Art, Renaissance, Antique...)
Rapport de l' oeuvre avec l'ensemble du monde de l'Art : par rapport à d'autres oeuvres ayant le même thème, appartenant au même mouvement, du même artiste...

Impressions personnelles.

Qu'est-ce que je ressens face à l' oeuvre, qu'est-ce que j'en comprends, sens, symbole, signification, message...
Ce que je perçois : Comment est-ce fait ? Pourquoi ?

Inspection Générale des enseignements artistiques
Inspection Générale d’arts plastiques

exemple pour une étude d'oeuvre Georges Segal

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-segal/segal-analyse.html

Eléments pour une analyse
Movie House, 1966-1967 (Entrée de cinéma ou La caissière)
plâtre, bois, plexiglas, lampes électriques. 260 x 375 x 370 cm
achat de l’Etat 1969, attri. 1976, AM 1976-1018. Centre Pompidou, collection du Musée national d’art moderne


Movie House se présente comme l’entrée d’un cinéma. Dans une cabine rouge qui se découpe sur un fond noir est installée l’effigie d’une caissière. A droite, est construite une vraie porte qui ne conduit nulle part. Le plafond illuminé par 288 ampoules produit une lumière incandescente, soulignant l’effet de dramatisation de la scène.
Une tension entre le fond et la forme
Une composition rigoureuse
La recherche d’un archétype
L’art indissociable de la vie réelle
Situations humainesL’expérience du happening
L’influence du travail de Robert Frank


 

Une tension entre le fond et la forme

Cette œuvre repose entièrement sur l’idée de contraste. Segal utilise tout d’abord l’opposition des couleurs : le rouge, le noir et la blancheur fantomatique de la caissière. La texture des matériaux participe également à cet effet de choc : les surfaces lisses et brillantes de la peinture noire et rouge s’opposent à l’aspect mat et brut de la sculpture. Chaque élément intervient dans cette tension entre le fond et la forme. La lumière y joue un rôle essentiel : elle dramatise ce lieu (celui de l’entrée de cinéma qui est aussi celui de l’œuvre d’art) et matérialise cette idée de passage de l’espace de la vie réelle (peut-être celui de la rue) vers celui de la fiction (le cinéma ou tout simplement l’art).


Dans un entretien avec Henry Geldzahler, Quadrum n°19, 1966, Segal s’exprime sur le rôle de la lumière:

[…] Beaucoup de gens ont l’air tellement choqués en voyant une forme réaliste en plâtre blanc, qu’ils ont tendance à fixer uniquement les figures ; ce qui m’intéresse, c’est toute une série de chocs et de rencontres qu’une personne découvre en tournant autour de plusieurs objets placés dans l’espace en relation précise les uns avec les autres […]. La blancheur m’intrigue parce qu’elle évoque une spiritualité désincarnée, pourtant inséparable des détails charnels et corporels du personnage. Mais la couleur m’intéresse beaucoup plus, en elle-même. Pour l’ensemble de la composition, je tire parti de la couleur dont les objets réels sont faits. De plus en plus, la couleur m’attire en tant que lumière plutôt qu’en tant que peinture.


La sculpture en plâtre est une sorte de point focal au sein de la composition.

Une composition rigoureuse

Segal accorde une attention particulière aux objets et aux structures environnants. Cette dimension relative à la forme et au volume est spécifique aux environnements de cette période. Elle se rattache à un système esthétique apparu au cours des années 60 qui vise à la réduction de la forme à une unité simple. La relation de Segal avec le Minimal art est moins évidente que sa parenté avec le Pop Art et pourtant toute aussi pertinente. Le mobilier réduit à des structures primaires, les couleurs rouge et noire, les surfaces lisses et brillantes, la disposition géométrique des ampoules de Movie House sont proches de l’esthétique minimaliste de la fin des années 60.
La structure de Movie House rappelle aussi les compositions orthogonales de Mondrian dans le jeu de rapport entre les zones de couleur et les reliefs. La sculpture en plâtre est une sorte de point focal au sein de la composition. Placée au centre du fond noir, elle apparaît comme une icône au sein d’une chapelle. Les zones réparties de manière symétrique de chaque côté de la cabine sont toutefois légèrement décalées par le léger renfoncement de la porte à droite, accentuant l’idée de profondeur.
Dans ses environnements Segal limite à l’essentiel les accessoires de ce qui forme l’univers d’un travailleur. Il en use avec modération et un sens très sûr de la composition. Movie House n’est pas la reconstitution réaliste d’une entrée de cinéma, mais plutôt la transposition du souvenir d’une expérience vécue.


Dans mon souvenir ma vie est inséparable des objets. Je regarde les objets sous un jour "plastique" (puisque c’est le terme qui convient), "esthétique", et pour la forme qu’ils représentent. Et les rapports qui existent (ou n’existent pas) entre les gens et ces formes, est quelque chose qui m’intrigue… A condition qu’il y ait eu une relation émotionnelle très vivace entre moi et la personne, ou moi et l’objet, ou moi et les deux à la fois, et dans ce cas seulement, je l’intègre dans mon œuvre", déclare Segal.
(Extrait de l’article de Robert Pincus-Witten, in Cnacarchives n°5, p. 49).


La recherche d’un archétype

Segal adopte le plâtre à la fois pour des raisons économiques mais également pour ses qualités plastiques. Les bandes de plâtre à usage médical sèchent rapidement et permettent d’obtenir à la fois une figure réaliste et le reflet d’un état intérieur. Toutefois la figure est désincarnée par la blancheur du plâtre transformant le modèle en individu anonyme. Ce parti pris permet à l’artiste de créer une certaine distance par rapport au réel. En se dégageant ainsi de toute représentation réaliste l’œuvre de Segal atteint une idée d’universel : il s’agit de l’homme en général, une sorte d’archétype de l’individu livré à l’absurdité de la banalité quotidienne.


Il y a chez les gens des attitudes enfermées dans leurs corps et qu’il faut attraper… Il arrive que des gens ne révèlent rien sur eux-mêmes et que, tout à coup, ils fassent un geste qui contient toute une autobiographie,
déclare Segal.


L’art indissociable de la vie réelle


En général, je fais de la sculpture avec des gens que je connais très bien, disait Segal, et dans des situations où j’ai l’habitude de les voir. Qu’il faille pour ça un bloc-cuisine, un autre endroit dans la maison ou n’importe quel endroit où j’ai l’habitude d’aller : des postes à essence, des arrêts d’autobus, des rues, des bâtiments de ferme, dans tous les cas, il faut que ce soit en rapport avec ce que je connais. C’est dans ce cadre-là que je vis… Pour moi, tout ça constitue un énorme réservoir de matière artistique…
(Extrait de l’article de Robert Pincus-Witten, in Cnacarchives, p.49).

Les environnements et les sculptures de Segal sont indissociables de sa propre expérience.
Après avoir découvert les bandes de plâtre nouvellement fabriquées par la marque Johnson & Johnson, il fait sa première sculpture de moulage en plâtre sur son propre corps (L’homme assis à une table, 1961), et sa femme Helen est pendant longtemps son principal modèle féminin. Ainsi, les modèles de ses sculptures sont choisis parmi les membres de sa famille ou le cercle de ses amis proches. Segal raconte, dans un entretien, qu’avant de commencer une sculpture, il prend le temps de dialoguer et d’observer longuement les attitudes de son modèle. Celui du moulage de la caissière n’est autre que sa propre nièce : Susan Kutliroff, aujourd’hui secrétaire et trésorière de la Fondation George et Helen Segal.

Situations humaines

Les premiers environnements de Segal caractérisés par l’isolement d’une figure dans un univers banal ne sont pas sans évoquer les œuvres de Edward Hopper dans lesquelles l’individu apparaît accablé par une solitude désarmante dans une atmosphère lourde et oppressante.
George Segal choisit des situations humaines caractérisées par des gestes de la vie quotidienne : une femme se rasant les jambes, une serveuse de bar, une caissière de cinéma distribuant un billet. Son intérêt porte plus précisément sur la condition humaine dans la société moderne contrairement aux artistes Pop qui ironisent à partir des clichés de la société de consommation. Toutefois, l’œuvre de Segal ne se limite pas à un certain réalisme social, elle véhicule par là même une dimension métaphysique.
La découverte des moulages en plâtre dans les environnements de Segal inspirent souvent une vision à la fois morbide et fascinante. Les personnages semblent avoir été saisis dans leur immédiateté comme les corps pétrifiés des habitants de Pompéï . Or les modèles de Segal sont bien vivants, issus de son entourage proche et pourtant limités dans leur finitude. Ce qui amène Allan Kaprow, dans un article qu’il consacre à Segal, à qualifier ses sculptures de "vital mummies" (momies vivantes).

L’expérience du happening

Dés la fin des années 50, Segal, par l’intermédiaire de son ami Kaprow est en contact avec les premiers happenings organisés à la Reuben Gallery. Kaprow est le théoricien de cette nouvelle expression où l’art et la vie sont confondus. En 1958, dans un célèbre article intitulé "L’héritage de Jackson Pollock" (Cf. l’article de Kaprow dans les Annexes), il analyse les drippings de Pollock comme un dépassement des limites du tableau vers l’espace de la vie réelle. Ce texte précurseur est fondamental car il annonce tous les mouvements d’avant-garde des années 60. Segal découvre, grâce à son ami, une nouvelle approche de l’expressionnisme abstrait en prise avec le réel. Il est fortement impressionné par cet art revitalisé par une action se déroulant en temps réel, bien qu'il soit en même temps réticent à l’aspect éphémère du happening. Segal assiste et participe à plusieurs happenings dans la Reuben Gallery fréquentée, entre autres, par ses amis Claes Oldenburg et Larry Rivers.
La conception des environnements de Segal résulte sans aucun doute de la synthèse entre les idées de John Cage, pour lequel "même le banal a un potentiel esthétique", et du happening de Kaprow, fidèle auditeur de ce dernier mais aussi de la théorie d’Hofmann sur la spécificité de l’espace de la création plastique fondée sur la confrontation du fond et de la forme.

Panique à South Brunswick 

En 1958, Kaprow réalise son premier happening dans la ferme de Segal à l’occasion d’un pique-nique organisé pour les membres de la Hansa Gallery. Le projet n’est pas tout à fait satisfaisant pour Kaprow qui, au départ, souhaitait faire une intervention mettant en scène des individus armés de branches et de bâtons contre une rangée de bulldozers. Sur les conseils de Segal les engins sont remplacés par des voitures moins dangereuses.




L’influence du travail de Robert Frank

Lorsque Segal fait la connaissance de Robert Frank par l’intermédiaire des artistes de la Hansa Gallery en 1960, le photographe vient de commencer une carrière de cinéaste. Deux ans auparavant, il publiait un livre de photographies qui allait faire scandale aux Etats-Unis. Cet ouvrage intitulé Les Américains, composé d’une sélection de 83 clichés en noir et blanc, représente la vie quotidienne aux Etats-Unis au milieu des années 50. Il montre une image de l’Amérique sans fard, où toute la société américaine semble mise à nu et dévoilée au quotidien. Après son film manifeste Pull my Daisy (1959) qui marque le début du cinéma d’avant-garde des années 60, Frank est à la recherche d’un lieu de tournage pour son futur film The Sin of Jesus (Le Péché de Jésus).

Le Péché de Jésus de Robert Frank

Le scénario du Péché de Jésus était tiré d’un récit d’Isaac Bashievis Singer. Le film, qui se déroule à Moscou, raconte l’histoire d’une pulpeuse femme de chambre qui demande à Jésus de l’aider à contenter son appétit sexuel, qu’elle satisfait souvent. Jésus lui envoie un ange pour mari, mais, dans la fièvre de la nuit de noces, la femme se jette sur lui et le tue. Le péché de Jésus, selon la morale de l’histoire, est d’avoir condamné l’infortunée à retourner à sa vie de pécheresse. Le réalisateur a utilisé les plumes des poules de Segal pour la confection des ailes de l’ange.

George Segal lui propose d’utiliser les locaux de sa ferme récemment transformés en studio d’artiste. Le tournage prévu pour quelques semaines dure 6 mois. Segal fait le recit de cette expérience en témoignant de l’extrême précision du réalisateur pour le choix des décors, la texture des matériaux. Il affirme que c’est auprès de Robert Frank qu’il eut l’idée de mettre en scène des objets réels avec des sculptures en plâtre. Toutefois, le long séjour de Frank dans la ferme de Segal nous permet de faire l’hypothèse suivante : l’influence de Robert Frank ne se limite pas au souci du décor. Segal s’est sans doute beaucoup intéressé au livre Les Américains, pour y puiser non pas des thèmes mais une approche de la condition humaine.
La sensation d’immédiateté et l’attitude des sculptures de plâtre (sorte de négatif de la sculpture), sa vision de la condition humaine le rapprochent de la sensibilité des photographies de Robert Frank qui, à l’instar de Segal, capte des fragment de vie.