mercredi 22 décembre 2010

Jean DUPUY

Art et écologie
Jean Dupuy

Image-haut.jpg Jean Dupuy, né le 22 novembre 1925 à Moulins dans l'Allier, est un artiste français.

 


 Son enfance

A 18 ans il rentre à l'École des beaux-arts de Paris, section architecture. Mais très vite (après seulement un an) il décida d'arreter ses études afin de se consacrer entièrement à la peinture : jusqu'à la fin des années 1940 il réalisera des peinture figuratives [archive].

 Le début de sa carrière

La carrière de Jean Dupuy commence dans les années 50 par une pratique de la peinture abstraite [archive] proche de l’Ecole de Paris. Il fréquente alors Jean Degottex (il se lie d'amitié avec lui), mais aussi Bernard Heidsieck. Il rejoint le groupe des peintres de l’Abstraction lyrique [archive]. En 1967, il s’installe à New York et il participe l’année suivante au concours "Experiment in Art & Technology" (E.A.T) lancé par Bill Klüver et Robert Rauschenberg. Sa pièce Heart Beats Dust, conçue comme une sculpture de poussière, remporte le premier prix, elle est exposée simultanément au Brooklyn Museum et au Moma. Les pulsions cardiaques d’un visiteur sont captées et amplifiées par un stéthoscope électronique qui agit aussitôt sur une membrane qui propulse, dans un faisceau lumineux en forme de cône à base pyramidale, un nuage de pigment organique rouge enfermé dans un caisson vitré. Le succès est immédiat !

 
 
Consécration

Il intègre la galerie Sonnabend et enseigne à la School of Visual Arts N.Y.C. Il entame alors une série de pièces aux fondements «technologiques» dont EAR (1972), qui permet à chaque visiteur de regarder le fond de sa propre oreille grâce à un mécanisme. Mais très vite il se lasse de l'enchainement des exposition La consécration
Il quitte sa galerie et organise en 1973 dans son studio au 405E, 13th St. une exposition avec une trentaine d’artistes dont Larry Rivers [archive], Claes Oldenburg [archive], Nam June Paik [archive], et même ses voisins de palier. Aucune oeuvre n’est à vendre, beaucoup sont invisibles, immatérielles comme celle de Gordon Matta Clark. L’opération se renouvellera trois années d’affilées. Jean Dupuy commence parallèlement à organiser des performances collectives dans lesquelles s’entrecroisent
Image-droite.jpg
un grand nombre d’artistes, dont Richard Serra, Philip Glass ou Laurie Anderson. Ce sont les Three evenings on a revolving stage de la Judson Church, ou la mythique soirée Soup & tart à The Kitchen, qui réunit près de 300 personnes. Il se lie d’amitié avec George Maciunas [archive], ce qui fera dire de lui qu’il était un artiste fluxus [archive] alors qu’il ne l’a jamais été historiquement, sauf par affiliation momentanée durant ces quelques années. En 1978, il ouvre avec son épouse un restaurant, puis réduit à partir de 1979 ses activités liés à la performance. Il produit peu à peu des pièces aux mécanismes originaux comme Lazy Susan (1979), constituée d’une roue mobile (suspendue sur deux échelles) dont le roulement à bille est bloqué, mais qui, malgré tout, continue à tourner « paresseusement » en suivant le mouvement de la terre. Il écrit enfin ses premières anagrammes tel AMERICAN VENUS UNIQUE RED / UNIVERS ARDU EN MÉCANIQUE et devient Ypudu anagrammiste, inventant des textes mettant en scène des personnages tels que Léon bègue qui se joue du langage en s’imposant des équations de lettres. Ses textes - qui fonctionnent comme des partitions musicales à déchiffrer - deviennent au fil du temps des œuvres à part entière ou des livres d’artistes qu’il aime réaliser en série. Plus tard c'est la poésie qui va l'interessée. Jean Dupuy l’envisage d’abord comme système, ou contrainte, dans la tradition de l’OuLiPo [archive]. Il s’agit donc aussi, avec elle, de faire surgir des formes nouvelles, des modes d’association ou d’organisation du monde encore inédits. Mais tout l’attrait de la contrainte, en poésie, ne s’épuise pas, pour Jean Dupuy, à cette seule valeur de vérité. Ce qui l’y retient, encore, c’est le côté ludique qu’elle recèle en même temps. Au fil d’une combinatoire qui est aussi la mécanique d’une dérive, les anagrammes de Jean Dupuy explosent ainsi d’un humour devenu trop rare dans l’art d’aujourd’hui. Humour, sens de la blague, par où il se rapproche bien plutôt, si l’on veut, de ces primitifs de l’avant-garde, comme d’un Erik Satie qu’il aime à souvent citer.
En 1984, il quitte New York, et s’installe à Pierrefeu dans l’arrière-pays niçois, ou il réalise de grandes peintures anagrammatiques sur toiles et différents objets utilisant souvent optiques et moteurs. Il commence également à réaliser des œuvres composées par des cailloux et galets ramassés au gré de ses promenades.


Les années 2000

Plusieurs expositions lui seront consacrées en 2003 telles que : Looking at stones, à la galerie Emily Harvey, New York ; Analogies, à la galerie Clark, Montréal, ainsi que Cailloux, à la galerie Interface, Dijon. En 2008 il a fait une exposition personelle à la Villa Arson (Nïmes). Elle a réuni dans la galerie carrée quelques pièces fondamentales de l’artiste, dont Lazy Susan, Aero Air, Table à imprimer, Chocolat ou Fewafuel (jeu de mots avec fire/earth/water/air et fuel), produite en 1970 par la Cummins Engine Company, 1ère entreprise américaine de fabrication de moteurs diesel. L’oeuvre est justement composée d’un moteur en activité dont les traces nocives de combustion sont stockées dans une boule en pyrex reliée au tube d'échappement. A l'époque, la pièce fit scandale car elle mettait à jour les effets polluants des moteurs produits par l’entreprise mécène. Elle fut retirée au bout de quinze jours d’exposition. Elle sera réactivée pour l'occasion dans le jardin de la Villa Arson.



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Eric Joisel, le roi de l'origami, est mort

Eric Joisel, le roi  de l'origami, est mort

L'artiste origamiste est décédé à l'âge de 53 ans.  
Site Eric Joisel

Eric Joisel savait transformer une feuille A4 en hérisson ou en personnage.

 
Décédé à Argenteuil le 10 octobre dernier à 53 ans d'un cancer du poumon, Eric Joisel s'est illustré comme le plus grand origamiste français, reconnu par ses pairs partout dans le monde. Le New York Times a d'ailleurs fait écho de la nouvelle -tandis que l'information n'a pas ou peu été relayée chez nous. 
Eric Joisel, le roi  de l'origami, est mort
Après avoir suivi des études de droit et s'être d'abord consacré à la sculpture sur bois, glaise ou pierre, Eric Joisel se lance dans l'origami, lorsqu'il découvre l'autoportrait d'Akira Yoshizawa, origamiste moderne japonais. C'est un art du pliage du papier qui vient du Japon. Sans découpe ni colle, ce dernier prend forme. S'ensuit alors une quête des différents procédés de pliage pour rendre ses créations toujours plus réalistes. Ce n'est qu'à partir des années 2000 qu'Eric Joisel, qui jusqu'alors pliait des animaux ou des visages, commence à donner vie à des figurines. Il se fait remarquer grâce à ses sculptures en 3 dimensions et ses épatants effets de relief, différents de ceux de l'origami traditionnel. Un art qu'il a travaillé durant 35 ans. Il a d'ailleurs admis avoir mis...six ans à concevoir un hérisson de papier. 

Eric Joisel, le magicien de l'origami, est décédé

Chacun de ses pliages est une véritable sculpture de papier. Entre les mains d’Eric Joisel un carré de papier pouvait devenir un coquillage, un arbre ou un personnage du Seigneur des anneaux. Hommage à un grand maître de l’origami.


Eric Joisel au milieu de ses créations originales. (Vanessa Gould) Eric Joisel au milieu de ses créations originales. (Vanessa Gould)
L’origamiste français Eric Joisel, qui laisse une œuvre majeure dans le domaine du pliage, est mort le 10 octobre 2010 à l’hôpital d’Argenteuil à l’âge de 53 ans.
Né le 15 novembre 1956, benjamin d’une fratrie de cinq enfants, Eric Joisel développe très tôt un goût pour le dessin, la sculpture et le modelage de la terre. Abandonnant des études de droit, il découvre sa voie dans les années 1980 en voyant un pliage exceptionnel : l’autoportrait d’Akira Yoshizawa, père de l’origami moderne, cet art du pliage du papier sans découpe ni collage. Très vite passionné par cet art japonais, il explore durant une dizaine d’années toutes les techniques de pliage et participe à de nombreuses expositions.

Le pli courbe

C’est vers 1995 que ses premières créations sont remarquées. Il se démarque de l’origami traditionnel par une mise en trois dimensions se rapprochant de la sculpture et par l’apparition du pli courbe, particulièrement dans ses masques. Une autre particularité est son souci de «l’économie» de papier. Contrairement à nombre de techniciens du pli, il juge indispensable que le moins de papier possible soit «caché» à l’intérieur d’un modèle. Cette démarche très complexe demeurera une obsession  tout au long de son œuvre.



VOIR LA GALERIE PHOTOS
Quelques semaines avant sa disparition, alors qu’il pensait rentrer chez lui et se remettre au travail, il avait choisi et commenté les photographies de la galerie que nous vous présentons. Il avait été, à Sciences et Avenir, notre conseiller pour les articles que nous avons consacrés à l’origami.







La recherche de réalisme l’incite aussi à la création de patines créant l’illusion du vrai. Insatiable chercheur, il explore toutes les possibilités offertes par la délicate technique du wet-folding (pliage du papier humide). Bien que la singularité de son univers créatif ainsi que l’originalité de ses méthodes de pliage soient déjà reconnues, il ne parviendra jamais, en France, à vivre de son art.

C’est pourquoi, parallèlement à ses recherches, il sera un infatigable et généreux enseignant, surtout avec les enfants à qui il adorait apprendre l’oiseau qui bat des ailes.
En 1998 il rendra la politesse à Akira Yoshizawa qui l’avait invité au Japon pour présenter ses œuvres en rassemblant au Carré du Louvre les plus grands plieurs mondiaux autour du maître japonais. Cette exposition reste le principal événement en France, dans le domaine de l’origami.

Improvisation

Dans les années 2000, il concentre ses recherches sur des formes anthropomorphes et affine ses techniques de pliage pour créer ses premiers personnages qui deviendront de plus en plus réalistes. C’est le début d’un processus de création époustouflant pour les techniciens de l’origami traditionnel. Jusqu’à lors, la genèse d’un modèle nécessitait des recherches aux étapes notées et détaillées, au terme desquelles les modèles étaient reproductibles à l’aide de diagrammes (séquences successives de plis très précis). Eric Joisel, de son côté, laisse de plus en plus de place à l’improvisation: il réalise ses figures parfois en un seul jet. C’est pourquoi il n’existe pas de diagrammes précis de ses dernières œuvres. Il n’a laissé que quelques notes, qui seront des pistes à interpréter pour ses successeurs.

Tissus plissés et drapés

Il parvient également, et toujours dans une seule feuille de papier, à doter ses personnages de matières –plissés, gaufrages ou cotes de mailles (voir les Barbarians sur son site et notre galerie). Il revient aussi au matériau brut, le papier artisanal, cherchant des couleurs grâce au relief des motifs. La Commedia dell’ arte est l’aboutissement de cette démarche.

Durant cette seconde période, la reconnaissance de son exceptionnelle virtuosité viendra surtout de l’étranger, du Japon, des Etats-Unis et de pays européens (Grande-Bretagne, Espagne). Ses pairs, conscients qu’il avait révolutionné l’art du pliage, le qualifiaient de magicien du pliage, de génie, ce à quoi il répondait dans son immense humilité qu’il «n’était qu’un petit plieur de banlieue».




Un livre de Makoto Yamaguchi rassemblant l’intégralité des œuvres d’Eric Joisel paraîtra prochainement aux Editions Origami House. Cet ouvrage présentera les pliages, diagrammes et Crease Patterns (notes qui permettent de comprendre la conception d’un pliage). Il contiendra également les derniers entretiens qu’Eric Joisel a accordés à Makoto Yamaguchi.
Photo : Crane’ Viking – 2008. © Eric Joisel et Makoto Yamaguchi – Origami House

Le travail d'Eric Joisel est également présenté sur son site (http://www.ericjoisel.com/).


Yves Clavel
Sciences et Avenir.fr

14/10/10

text3musicians

"If one isn’t an origami folder, it’s difficult to explain the process of conception through to the finished model. The creation process is similar to a scientific method. When designing a person, one begins with the assumption that the four corners of the paper will represent each hand and foot. From that general assumption, a “crease pattern” is developed that blueprints all the folds required for the model. These crease patterns may be modified while the model takes shape. Some of my first creations, like the hedgehog, took 5-6 years to finally develop. Now, years later, the process is a little easier.

'Origami has within it all the possibilities we associate with creative art,' Yoshizawa-sensei once said.

I try to respect the traditional rules of origami, using only one piece of paper and never cutting. The important element for me is modeling the paper. Precreasing and collapsing a geometrical base is not a pleasurable for me. It is merely a required step to arrive at my real work: sculpting.

I have a great respect for 'pure origami', with flat surfaces and nice geometrical conception, but as you can feel looking at my own models, I am much more interested into models 'looking alive', which means for me volume, curved creases and much sculpting.

Mirroring life requires curves, not straight lines."
Eric's orchestra rehearsing in his Parisian studio

"Faeries enjoy music and so do I. Because origami can be so complex and technical, perhaps it should have been possible to create every musician and his instrument from a single piece of paper. The thickness of the paper can make that too difficult. I elected to make each musician 30-cm high and his instrument from single sheets of paper so that I could focus on the attitudes and elegance of each piece. In this way, the well-conceived model can efficiently use the whole surface of the square with no useless parts.

I have always been interested in conceptualizing and realizing models containing different types of surfaces and shapes that can play with the light and give the illusion of different colors. Like a good piece of jazz, every model I create is unique and one-of-a-kind. "
crease pattern
Example of 2 crease patterns for instruments...

instruments: each one piece of paper
The first attempts at instruments. The harp and the tuba will be made later, directly on the characters.

clothes pins help keep the shape
In the first BOJB, I used 4 different CPs to produce the different costumes. But I didn't draw ALL these CPs. Here are two first tries to verify the proportions of the box-pleating grid (Queue-de-Pie' et 'Toge'.)

collapses!!
Collapsed forms ready for modelling and shaping.

Big Origami Jazz Band clarinetist
Every paper, square or rectangle, needs to be 70 to 90 cm. In the first BOJB, I used a foil absolutely perfect for me. Alas, 4 years later, it is impossible to find it in France. I needed to go specifically to Belgium! That's too much trouble. So, I bought about 300€ of material, glued together 8 sheets (washi/alu/tissue), and it worked!!!

Joisel saxiphonist
There are 11 collapses with 6 different colors and 4 different costume bases. The hat is always the same, but can be folded and modelled in many different fashions. The basic costume is about 26 x 26 cm. Sometimes I substituted washi with Lokta.

tuba player
The most difficult instrument to fashion is the tuba or helicon. The Dwarf wears a "beret français" ! (strange, isn't it ?), and a fourth type of costume.

Stephane Grappelli
The 8th musician is the violinist with his costume "Queue de pie".




mardi 21 décembre 2010

CHRISTO ET JEANNE-CLAUDE CHRISTO JAVACHEFF (1935- ) et JEANNE-CLAUDE DENAT DE GUILLEBON (1935-2009), dits

Très connu en raison de la force monumentale de son impact visuel, l'art de Christo repose sur des ambiguïtés et des tensions internes, qui en nourrissent la vitalité depuis plus de quatre décennies. Mais doit-on écrire simplement Christo ou Christo et Jeanne-Claude ? La question révèle le décalage entre une histoire de l'art savante, attentive au respect de la personnalité et des revendications de chaque artiste, et la vision globale forgée par l'opinion publique, qui a retenu le seul patronyme de Christo comme auteur des empaquetages, extrêmement médiatisés, du Pont-Neuf à Paris en 1985 ou du Reichstag de Berlin en 1995. C'est l'association de leurs deux prénoms pour faire un seul nom d'artiste que revendiquent depuis 1994 Christo Vladimirov Javacheff, né à Gabrovo en Bulgarie le 13 juin 1935, et Jeanne-Claude Denat de Guillebon, son épouse, née le même jour à Casablanca (Maroc) dans une famille de militaires français, en écho à d'autres duos contemporains célèbres – Gilbert et George, Pierre et Gilles ou Anne et Patrick Poirier notamment. Signe d'une collaboration exemplaire qui refuse la mise en valeur exclusive d'un créateur unique et marque de fabrique d'un parcours humain et esthétique d'une indéniable continuité, l'association originale de ces deux prénoms renvoie à une œuvre singulière qui transgresse les limites traditionnelles des différents arts et mêle à la sculpture, au dessin et à la photographie un intérêt marqué pour des domaines aussi divers que la communication, la politique ou l'écologie.

1. Un Nouveau Réaliste
Arrivé à Paris en 1958, après des études à l'Académie des beaux-arts de Sofia de 1953 à 1956 et un passage à Prague, puis à Vienne, Christo entre en contact avec le critique Pierre Restany et le futur groupe des Nouveaux Réalistes, auquel il s'intègre. Il invente ses premiers Objets emballés (petites bouteilles, boîtes enveloppées), qui obtiennent vite une reconnaissance critique : l'artiste en vend un en 1959 à Lucio Fontana, puis organise en 1961 sa première exposition personnelle à Cologne, où il présente, sur le port, ses premiers « monuments temporaires », composés de barils d'huile et de pots emballés. À la même date, Christo s'empare aussi d'autres moyens de création – photocollages, manifestes – pour matérialiser ses ambitions, comme un « Projet pour l'emballage de l'École militaire à Paris », ou le projet d'un édifice public empaqueté. Il mêle dans ses textes des considérations techniques fort précises (concernant par exemple le choix du tissu ou le mode de ficelage) à des revendications d'un esprit néo-dadaïste plus fantaisiste que révolutionnaire : « Le présent projet pour un édifice public empaqueté, écrit-il ainsi, est utilisable 1. comme salle sportive / 2. comme salle de concert, planétarium / 3. comme un musée historique, d'art ancien et d'art moderne / 4. comme salle parlementaire ou une prison. »

Malgré sa valorisation du processus artistique, qui compte à ses yeux plus que le simple objet qui en résulte – « l'œuvre d'art, ce n'est pas l'objet mais le processus » –, Christo crée et vend dans les années 1960 de nombreuses œuvres de faibles dimensions conservées aujourd'hui dans tous les grands musées d'art contemporain du monde – Package on a Table, 1961, Paris, Musée national d'art moderne ; Package on Wheelbarrow, 1963, New York, Museum of Modern Art. À partir des années 1970, ce sont les dessins, les photocollages préparatoires ou les maquettes de ses grandes interventions, qui constituent les éléments principaux de son œuvre figurant dans les collections publiques ou privées.

2. Art, patrimoine et politique
Hors des musées et des galeries, l'espace public s'impose rapidement comme le lieu le plus propice à l'expérimentation artistique de Christo. Dès 1962, l'installation d'un empilement de barils bloquant pendant huit heures la rue Visconti, dans le VIe arrondissement de Paris, souligne son insertion dans le tissu culturel d'une capitale marquée par la valeur de son patrimoine artistique. Le titre de l'action, Rideau de fer, renvoie à l'histoire contemporaine, précisément à la vie de l'artiste qui quitta la partie orientale de l'Europe et franchit le « rideau de fer » pour devenir un des représentants de l'art occidental, avant d'acquérir la nationalité américaine en 1964. Après de nombreux projets inaboutis (empaquetage de deux gratte-ciel et du MoMA de New York ; mur flottant de bidons barrant le canal de Suez), le premier édifice public à être empaqueté réellement par Christo est la Kunsthalle de Berne (Suisse) en 1968. Les interventions qui vont suivre révèlent de la part de l'artiste un choix de plus en plus politique. Ainsi l'empaquetage du monument à Victor-Emmanuel, sur la Piazza del Duomo de Milan en 1970, souligne ironiquement la « monumentomanie » désuète d'un pays qui multiplia au xixe siècle les statues en hommage au roi fondateur de son unité, mort en 1878. En 1985, l'empaquetage du Pont-Neuf à Paris révèle des traits constitutifs de la politique royale d'embellissement de la capitale au temps de la monarchie absolue.

Quant à l'intervention sur le Reichstag de Berlin, préparée dès 1971 et réalisée finalement en 1995, elle prend une résonance beaucoup plus forte. L'action de Christo et Jeanne-Claude se situe entre la réunification de l'Allemagne en 1990 et la nouvelle installation du Parlement allemand dans l'édifice, rénové par sir Norman Foster en 1999. Toute l'histoire de ce lieu, depuis son inauguration par Bismarck en 1894 jusqu'à sa division en deux, d'août 1961 à novembre 1989, par le Mur de Berlin qui le traversait, en passant par son incendie le 27 février 1933, se trouve symboliquement assumée et dépassée en même temps grâce à cette « opération de dévoilement par le recouvrement » qui confère au monument « une forme complètement nouvelle ». On devine les luttes politiques autant qu'esthétiques qu'eut à mener Christo pour obtenir l'avis favorable du Bundestag, le 25 février 1995. Au défi technique – contenir, avec plus de 15 kilomètres de cordes, 100 000 mètres carrés de tissu en polypropylène recouvert d'une fine couche d'aluminium, ou créer en forme d'échafaudage des structures pour protéger les statues et les décorations fragiles – s'ajoutait un défi financier, que Christo releva selon son habitude, par ses propres moyens, en assumant seul l'autonomie économique du projet au moyen de la vente des dessins et des collages préparatoires, ou encore grâce aux droits de reproductions photographiques.

Sans être de l'ordre d'une prise de position partisane, cet engagement dans la cité se comprend surtout comme l'ambition d'inventer un art résolument moderne : « Nous sommes terriblement contemporains, affirment les deux artistes en 1995. Nous vivons dans un siècle social, politique, économique et environnemental. Tout art qui est moins social, moins politique et moins environnemental est simplement moins contemporain. »

3. Une monumentalité éphémère
L'emprise des créations de Christo et Jeanne-Claude dépasse le cadre de la cité et de l'histoire des hommes pour toucher, à partir du milieu des années 1970, le vaste espace du monde naturel, avec des réalisations spectaculaires comme Running Fence, de 40 kilomètres de longueur en Californie (1972-1976), Surrounded Islands (Biscayne Bay, Miami, Floride, 1980-1983) ou The Umbrellas, au Japon et aux États-Unis (1984-1991). Proches du land art, les artistes s'en distinguent toutefois par le caractère strictement réversible de leurs interventions et la dimension éphémère de leurs créations, qui peuvent occuper un espace d'autant plus grand qu'elles demeurent marquées de la fragilité même du matériau qui les constitue. « Le tissu, expliquent-ils justement, est le dénominateur commun qui traduit ce caractère temporaire, nomade [...]. Le nomadisme qu'évoque la toile crée l'urgence de voir parce que demain la chose aura disparu. Les choses les plus précieuses de la vie sont temporaires. Et nous voulons apporter à notre art ce caractère de merveilleux et de tendresse que l'on réserve aux choses temporaires. »

Contre l'usure du regard qui peut transformer les œuvres au départ les plus impressionnantes en objets ordinaires et banals, à rebours aussi d'une naïve prétention à l'éternité ou à l'intemporalité que symboliserait la pierre ou le fer, Christo et Jeanne-Claude choisissent le temps court de la fête et du don. Chaque intervention dans l'espace public dure environ deux semaines, et des morceaux-reliques de la toile sont en général distribués gratuitement aux visiteurs, durant ce moment de communion d'autant plus intense qu'il est bref. Les photographies gardent trace de ces instants fugaces, et leur assurent une inscription durable dans l'espace public, par leur persistance dans le souvenir vivant des spectateurs. Mais elles témoignent aussi, par le constat de l'indéniable disparition de ces créations, de l'urgence du présent.

Paul-Louis RINUY

Christo : Mur de barils de pétrole

Posté le 30 août 2007 dans Soldes d'Hiver, ici et là dans le monde


Cet extrait du livre sur le travail de Christo (le texte pourrait s’engager un peu plus) accompagne mon travail préparatif pour l’installation que je vais faire dans la Galerie Bordelaise (à Bordeaux) pour les soldes d’hiver en janvier 2008.

Le 13 août 1961, fut érigé le Mur de Berlin par le régime communiste. Apatride, sans passeport et lui-même réfugié d’un pays communiste de Berlin-Est, Christo fut très affecté et révolté par cette décision est-allemande. Rentrant de Cologne à Paris, en octobre 1961, ils préparèrent sa riposte personnelle. Ce fut le Mur de Barils de Pétrole – Le Rideau de Fer. Ils proposèrent de barrer la rue Visconti, une toute petite rue de la Rive gauche, avec 240 barils de pétrole et préparèrent un descriptif détaillé du projet.
Cette phase de mise au point d’un dossier de présentation écrit, accompagné de photocollages et de plans logistiques, se fera de plus en plus complexe au cours des années et au fur et à mesure que les projets deviendront plus exigeants et ambitieux. Mais les objectifs sont restés pour l’essentiel les mêmes : obtenir les autorisations des autorités concernées et, comme l’ont noté les commentateurs, inciter les critiques à intégrer l’évaluation esthétique dans l’examen de données techniques, sociales et environnementales. Dans le cas du Mur de Barils de Pétrole – Le Rideau de Fer, ce dossier manqua son but principal puisque la permission fut refusée. Des années plus tard, à New York, les Christo proposeront de fermer la 53ème rue avec 441 barils pour marquer la fin de l’exposition sur Dada et le Surréalisme du Museum of Modern Art, le 8 juin 1968. Là encore, ils manquèrent de chance et plusieurs autorités municipales leur refusèrent les autorisations nécessaires.
Nullement découragés pour autant, les Christo se remirent au projet du Mur de Barils de Pétrole – Le Rideau de Fer en se passant d’autorisation. Huit heures de suite, le 27 juin 1962, ils bloquèrent la rue Visconti – où avaient habité Racine, Delacroix et Balzac – avec 240 barils de pétrole que Christo avait lui-même transportés un par un. L’armée d’aides professionnels ou amateurs, qui allait accompagner tous les grands projets des années futures, se fit remarquer ce jour-là par son absence. La barricade de 4,3 x 3,8 x m bloquait la circulation comme prévu et les barils étaient dans l’état où ils avaient été trouvés, avec leurs couleurs industrielles, leurs marques, leur rouille.
Christo et Jeanne-Claude,  Wall of Barrels, Iron Curtain,1962
Comme on pouvait s’y attendre, les Christo furent emmenés au commissariat de police pour répondre du délit d’obstruction, mais ils ne furent pas poursuivis. Il n’est pas certain que les passants comprirent que cette barricade avait un rapport avec le mur de Berlin. De nombreuses manifestations à Paris avaient lieu à cette époque pour protester contre la guerre d’Algérie et l’autorisation avait été refusée car les autorités avaient peut-être craint que le geste de l’artiste n’aille dans ce sens. Mais les Christo avaient néanmoins réussi à faire descendre l’art dans la rue, à se servir d’une rue, de barils de pétrole et même de la présence des passants — tous éléments qui n’avaient encore jamais eu droit de cité en art — pour créer une œuvre temporaire. Cette insistance sur le caractère temporaire a toujours été fondamentale dans l’approche artistique post-modeme de Christo et Jeanne-Claude.
Texte et illustrations extraits de Christo and Jeanne-Claude, Volz, Wolfgang (ED), Baal-Teshuva, Jacob. Softcover, flaps 18.5 x 23 cm, 96 pages. ISBN 978-3-8228-5956-8. € 6.99
Première illustration : Projet d’un Mur Provisoire de Barils de Pétrole, rue Visconti, Paris. Collage, 1961. Deux photographies et un texte tapé à la machine, 24 x 40,5 cm
Seconde illustration : Mur de barils de pétrole – le ridau de fer, rue Visconti, Paris, 27 juin 1962. 24O barils de pétrole, 4,3 x 3,8 x 1,7m
Le site internet de Christo et jeanne-Claude.



Christo
Package 1965
17 X 7,5 X 4 cm, (6-3/3"X 3" X 1-1/2")
Fabric, rope and twine
Photo: André Grossman ©1965 Christo



Christo
Wrapped Magazines 1962
38 X 30 X 5 cm, (15" X 12" X 2")
Paris Match, the leg of Marilyn Monroe
Polyethelene, rtope and cord
photograph by Christian Bauer ©1962 Christo



Christo
Package 1961
94 X 71 X 30,5 cm, (37" X 28" X 12")
Fabric, polyethylene, ropes, on wooden support
Photo: André Grossman ©1961 Christo



Christo
Package 1969
171,5 X 229 X 300 cm.
(76-1/2" X 90" X 118")
Tarpaulin, rope, and wood.
Photo: Eeva-Inkeri ©1969 Christo


Christo and Jeanne-Claude
Dockside Packages, Cologne Harbor 1961

Photo: S.Wewerka, ©1961 Christo

CHRISTO ET JEANNE-CLAUDE CHRISTO JAVACHEFF (1935- ) et JEANNE-CLAUDE DENAT DE GUILLEBON (1935-2009), dits (2)


Christo
Wrapped Kunsthalle, Project for Bern, Switzerland
For 50th Anniversary of the Kunshalle

drawing 1968
101,5 X 152,5 cm (40" X 60")
Pencil, way crayon, and wash
Photo: André Grossman, ©Christo 1968


Christo and Jeanne-Claude

Wrapped Kunsthalle, Bern Switzerland 1967-68
Photo: Thomas Cugini, ©Christo 1968



Christo and Jeanne-Claude
5,600 Cubicmeter
Package
Documenta 4, Kassel, Germany 1967-67

Photo during installation: Klaus Baum
©1968 Christo
 


Christo
Museum of ContemporaryArt, Wrapped
Project, 10,000 Square Feet of Tarpaulin, 4,000 feet Manila Rope

Drawing 1968, 101,5 X 152,5 cm (40" X 60")
Pencil, wax crayon and charcoal.
Photo: André Grossman ©1968 Christo
Christo and Jeanne-Claude
Museum of Contemporary Art, Wrapped
Chicago, 1968-69

Photo: Harry Shunk ©1969 Christo


Christo
Wrapped Coast, Project for Austalia
Near Sydney, Coast Line Little Bay

Drawing: 1969, 71 X 56 cm (28" X 22")
Pencil, ballpoint pen, fabric sample and technical data
Photo: Harry Shunk ©1969 Christo


Christo
Wrapped Coast, Project for Australia,
Near Sydney

Collage: 1969 71 X 55,8 cm. (28" X 22")
Pencil, charcoal,fabric, rope, twine, wax crayon and staples.
Photo: Harry Shunk ©1969 Christo


Christo and Jeanne-Claude
Wrapped Coast, One Million Square Feet,
Little Bay, Australia, 1968-69
Photo: Harry Shunk
©1969 Christo



Christo
Running Fence,
Project for Marin and Sonoma County,
State of California

Collage 1976, 56 X 71 cm (22" X 28")
Pencil, charcoal, fabric, wax crayon, and
photograph by Wolfgang Volz.
Photo: Wolfgang Volz ©1976 Christo


Christo
Running Fence,
Project for Sonoma and Marin Counties, California

Drawing 1975, 91,5 X 165 cm (36" X 65")
Pencil, and charcoal.
Photo: Wolfgang Volz ©1975 Christo


Christo
Running Fence,
Project for Sonoma and Marin Counties, California

Drawing 1975, in two parts.
35,5 X 244 cm and 91,5 X 244 cm (14" X 96" and 36" X 96")
Pencil, charcoal, wax crayon, acrylic paint, technical data, map and tape.
Photo: Harry Shunk ©1975 Christo ref # 8

Christo
Running Fence,
Project for Sonoma and Marin Counties, California
Drawing 1976 in two parts
38 X 244cm and 106,7 X 244cm (15 x 96" and 42 X 96")
Pencil, pastel, charcoal, wax crayon, topographic map.
technical data, tape, and ball point pen. ref# 17
Photo: Eeva-Inkeri ©1976 Christo


Christo and Jeanne-Claude
Running Fence, Sonoma and Marin Counties,
California 1972-76

Photo: Wolfgang Volz
©1976 Christo


Christo and Jeanne-Claude
Running Fence, Sonoma and Marin Counties,
California 1972-76

Photo: Wolfgang Volz
©1976 Christo

Christo and Jeanne-Claude
Running Fence, Sonoma and Marin Counties,
California 1972-76

Photo: Jeanne-Claude
©1976 Christo