Au début des années 1960, une tendance de l'art américain, mais aussi européen, va mettre de plus en plus l'accent sur l'utilisation des matériaux naturels, la terre, l'eau ou l'air, qui manifestent le processus à l'œuvre et impliquent du même coup une nouvelle conception de la durée dans l'art. Corrélativement, l'attention des artistes, des sculpteurs mais aussi des peintres, se porte sur l'exploration de nouveaux espaces en dehors de ceux qui sont traditionnellement réservés à l'art, ce qui va progressivement les amener à s'interroger sur leur environnement et à s'intéresser aux sites naturels. Cette attitude, qui découle logiquement de recherches plastiques et conceptuelles, va de pair avec une contestation politique du marché de l'art et des lieux traditionnels d'exposition.
Robert Morris, en 1961, produit sa première sculpture minimaliste au Living Theatre à l'occasion d'une performance organisée par La Monte Young et destinée en partie à financer l'anthologie que ce dernier fera paraître en 1963. C'est dans cette même anthologie que Walter De Maria publiera, parmi d'autres textes programmatiques, Artyard, daté de 1960, où il propose la création d'un « chantier d'art » qu'il imagine comme un vaste trou dont l'excavation serait l'art lui-même. En fait, parallèlement aux minimalistes, dont Morris fait partie pendant un temps et dont De Maria, Oppenheim ou Robert Smithson (ce dernier participera à l'exposition Primary Structure en 1966 au Jewish Museum) semblent proches sur le plan formel, ces artistes vont s'interroger sur la capacité des musées ou des galeries à pouvoir montrer ces nouvelles formes d'art, qui de sculpture n'ont peut-être plus que le nom et qu'il faut englober dans ce que la critique d'art américaine Rosalind Krauss a appelé un « champ élargi ». Ce champ, selon cette dernière, devrait intégrer des paramètres comme le paysage et l'architecture qui, diversement combinés, permettraient de reconsidérer la notion de site et de sculpture. Citons parmi les artistes de cette combinatoire non seulement ceux que l'on connaîtra bientôt sous le nom de land artists, mais également d'autres comme Richard Serra (né en 1939), Alice Aycock (née en 1946), Mary Miss (née en 1944), Charles Simonds (né en 1945), George Trakas (né en 1944), Robert Irwin (né en 1928), Hamish Fulton (né en 1946).
Il est vrai que la question du site va être centrale pour ces artistes dont les objets entretiennent avec ce qui les environne des relations complexes qu'il faut prendre en compte pour en apprécier la nature. Les « sculptures » de Donald Judd, Carl André ou Robert Morris manifestaient un rapport spécifique à leurs lieux d'exposition. Si bien que, dès 1966, réfléchissant à ce rapport dans Notes on Sculpture II, Morris posait la question : « Pourquoi ne pas mettre l'œuvre à l'extérieur et modifier un peu plus les termes du rapport ? Un réel besoin se fait sentir de franchir cette nouvelle étape. » C'est ce passage qu'effectueront certains artistes américains dont les œuvres, en participant à ce que le critique Harold Rosenberg appelait la « dé-définition » de l'art, vont faire l'objet d'appellations variées comme art total, art écologique, art environnemental, etc.
La conscience de ces nouveaux types d'espace va de pair avec de nouvelles pratiques corporelles : la New Dance emprunte aux arts plastiques, qui en retour donnent au corps un nouveau statut. Confronté aux éléments naturels les plus simples, la glaise en particulier, le corps y marque son empreinte, comme dans l'œuvre brutalement interrompue d'Anna Mendieta (1948-1985), ou semble y rechercher une unité première, comme pour mieux s'en arracher (Charles Simonds, dans le film Birth, 1970). Ces possibilités, explorées pour elles-mêmes, conduiront certains artistes comme Dennis Oppenheim (né en 1938) à pratiquer le body art (Parallel Stress, 1970) qui connaîtra rapidement un développement autonome.
Si beaucoup d'artistes sont alors attentifs à la transformation des matériaux et des éléments, ce n'est pas forcément pour les mêmes raisons. Certains comme Hans Haacke (né en 1936 ; Condensations Boxes, 1963-1965 ; Fog Swamping Erosion, 1969) ou Dennis Oppenheim (Directed Seeding-Cancelled Crop, 1969) ont essayé de montrer les relations multiples qui peuvent exister entre l'œuvre et son environnement naturel, les changements physiques qui en résultent (gel, condensations, évaporations), tout en s'intéressant à ce même environnement d'un point de vue sociopolitique (par exemple, en annulant artistiquement le processus de production d'une récolte, dans le cas d'Oppenheim, ou en mettant en lumière les mécanismes de circulation et d'acquisition des œuvres, comme le fit plus tard Haacke). La part du hasard ici n'est pas négligeable, elle est même de plus en plus intégrée dans les arts depuis Marcel Duchamp mais surtout avec John Cage, imprégné de la philosophie orientale qu'il a étudiée avec Taro Suzuki dans les années 1950.
Des artistes comme Charles Ross (né en 1937), Peter Hutchinson (né en 1930) ou Newton Harrison (né en 1929) et sa femme Hélène Mayer Harrison (née en 1932) ont créé des conditions d'expérimentation permettant de produire des formes de nature considérées comme des œuvres de l'art. Ross, en plaçant tous les jours au soleil, sous une loupe, des planches de bois, obtint ainsi un dessin en double spirale qui fit l'objet d'une exposition (Sunlight Convergence/Solar Burns, 1971-1972) et d'un livre du même titre. Hutchinson, qui avait suivi des études de génétique, s'intéressa aux développements et aux transformations des matériaux dont il montre la décomposition dans une œuvre comme Threaded Calabash (1969) – des fruits, reliés en leur centre par une corde de douze mètres et plongés dans l'eau à une profondeur de plus de trois mètres, se délitent progressivement.
En 1962, une biologiste, Rachel Carlson, publie Silent Spring, un ouvrage qui dénonce l'usage de pesticides et ses retombées catastrophiques sur le milieu naturel. Le livre marque les esprits mais l'heure n'est pas encore à la mobilisation dans ce domaine, et son impact hors des milieux intellectuels et artistiques reste limité. Aux États-Unis, on peut faire remonter la pensée environnementaliste à Henry David Thoreau (1817-1862) et au transcendantalisme. John Muir (1838-1914), le fondateur en 1892 de la première association écologiste américaine, le Sierra Club, et Aldo Léopold (1887-1948), l'auteur de l'Almanach d'un comté des sables (1949), en sont les inspirateurs les plus connus. Mais l'harmonie qu'ils prônent avec la nature n'a pas encore pris la dimension d'un projet social. Alan Sonfist (né en 1946), très tôt préoccupé d'écologie, tentera ainsi de reconstituer au sud de Manhattan, sur une surface d'une centaine de mètres carrés, le biotope du site avant l'arrivée des colons en se faisant aider de divers chercheurs qui lui ont ainsi permis, en 1965, de réaliser cette reconstitution à laquelle il donnera le nom de Time Landscape. C'est dans ces années-là, en effet, que naît l'idée d'un art écologique, dont l'exposition Ecological Art (mai-juin 1968) à la John Gibson Gallery de New York annonce les prémices. Il faudra néanmoins attendre les années 1970-1980 pour que les pratiques artistiques se soucient véritablement d'écologie.
En 1982, lors de la Documenta 7, Joseph Beuys (1921-1986) plantera 7 000 chênes à Kassel, en Allemagne, et créera en même temps un parti vert. La même année Agnes Denes (née en 1931) réalisera une intervention, connue sous le nom de Wheatfield-A Confrontation, à Battery Park, au sud de Manhattan, en semant du blé sur ce qui était alors un immense terrain vague de près de 8 000 mètres carrés. Elle le moissonnera quelques mois plus tard et mettra ainsi en évidence l'opposition entre les gestes simples, qui permettent à un sol pollué de redevenir cultivable, et les arbitrages économiques complexes en matière agroalimentaire de l'une des places financières les plus puissantes du monde. Dès les années 1980, Hermann Prigann (né en 1942) mettra toute son énergie à dénoncer les ravages de l'industrie polluante à travers d'imposantes sculptures, qui empruntent souvent aux formes de l'art mégalithique. Plus récemment, l'artiste Mel Chin (né en 1951) a commencé à travailler, avec le scientifique Rufus Chaney, à la mise au point d'un site de dépollution naturelle en utilisant des techniques de « phytoremediation » grâce à la sélection de plantes capables d'absorber du cadmium et autres déchets industriels toxiques. Ce premier Revival Field (1990), ainsi qu'il nomme cette œuvre, a connu depuis plusieurs versions.
Le travail de l'Allemand Nils-Udo (né en 1937) se veut aussi proche que possible d'une nature intouchée. « C'est la nature en tant que telle qui m'intéresse. Toute intervention humaine signifie destruction », déclare-t-il. En quoi il est tout à fait opposé à une attitude comme celle de Robert Smithson (1938-1973), qui considère que l'homme est un facteur de bouleversements aussi naturels que n'importe quel autre. Chez Nils-Udo, la photographie témoigne de son travail de sculpteur et rend compte de la fragilité de ses réalisations en feuilles, en fleurs, piquées, tressées et délicatement nouées. Bob Verschueren, né en Belgique en 1945, travaille avec des feuilles et des branches aussi bien à l'extérieur que dans des galeries, où il se livre à des compositions colorées éphémères, faites de matériaux qui se transforment peu à peu.
Goldsworthy s'inscrit dans une tradition anglaise de sculpteurs qui ont travaillé depuis 1977 dans la forêt de Grizedale (Grande-Bretagne), Taking a Wall for a Walk ! (1990), à la suite de David Nash et Richard Harris. Ces artistes œuvrent sur toute la gamme du végétal, depuis le tronc jusqu'aux feuilles, et vont ainsi d'une logique de l'objet, dans une optique plus traditionnelle, à un art du presque rien dont le support devient essentiellement photographique. Ainsi, les artistes français Gilles Bruni (né en 1959) et Marc Babarit (né en 1958), qui réalisent des installations paysagères destinées à être photographiées, peuvent aussi être considérés comme appartenant à cette famille d'artistes.
Parmi ces land artists, certains s'intéressent prioritairement à ces matériaux comme Michael Heizer (né en 1944), pour qui les déserts de l'Ouest permettent de faire des œuvres de grande taille en travaillant avec des masses considérables. D'autres voient dans la nature le prolongement des galeries – Robert Smithson avec ses non-sites ou Dennis Oppenheim qui a reporté les limites de certains espaces d'exposition sur des espaces naturels plus ou moins reculés (galeries transplant). D'autres encore y trouvent l'occasion d'une expérience possible du sublime – Walter De Maria (né en 1935) – ou encore le lieu d'une pratique quasi rituelle à travers la marche dans le paysage dont l'œuvre exposée sous forme de photographies, cartes, textes, alignements de pierres ou cercles de branchages n'est que le reliquat (Richard Long, né en 1945 ou Hamish Fulton, né en 1946). Mais ce peut être aussi une nouvelle façon d'explorer les phénomènes de la perception et de la lumière (Nancy Holt, née en 1938, avec ses Locators en 1972 ou ses Sun Tunnels en 1973-1976) ou de produire des œuvres monumentales, spécifiques à leurs sites comme le Double Negative (1969-1970) de Heizer à Mormon Mesa dans le Nevada, ou la Spiral Jetty (1970) de Smithson à Rozel Point, Grand Lac Salé, dans l'Utah.
Il ressort de tout cela que divers scénarios sont possibles pour penser un ensemble de pratiques artistiques qui se recoupent par bien des aspects et dont la dénomination dépend de la façon dont on privilégie tel ou tel de ces aspects. Des artistes environnementalistes, comme Christo (né en 1935) et Jeanne-Claude (née en 1935) [Running Fence, Sonoma et Marin, 1972-1976, par exemple] et certains qui se trouvent impliqués dans des stratégies paysagères comme Patricia Johanson (née en 1940) [Fair Park Lagoon Dallas, Texas, 1981] ou dans des opérations de land reclamation comme Mierle Laderman Ukeles (née en 1939), contribuent à nous rendre sensibles au milieu naturel que nous construisons et où nous vivons. Reste que le scénario le plus connu aujourd'hui est celui qui porte le nom de land art. Il est la résultante d'un certain nombre de paramètres que nous venons d'évoquer, mais qui sont en même temps surdéterminés par un rapport privilégié à la terre, conçue à la fois comme matériau et comme surface d'inscription. À quoi il convient d'ajouter la dimension, d'une part, historique du phénomène – le fait que ces artistes, tout en héritant de certaines pratiques de la décennie précédente, engagent un dialogue polémique avec le modernisme tel que l'a formulé Clement Greenberg – et, d'autre part, géographique – le caractère d'abord américain de cet art auquel les déserts de l'Ouest, en particulier, offrent des possibilités plastiques pour des projets impressionnants dont la réalisation suppose parfois des moyens économiques sans commune mesure avec ce qu'il est alors possible de faire en Europe.
L'exposition Earthworks, avec Carl Andre, Robert Smithson, Dennis Oppenheim, Robert Morris, Michael Heizer, Claes Oldenbourg (né en 1929), Stephen Kaltenbach (né en 1940), Charles Ross et Herbert Bayer (1900-1985), ouvre en 1968 à la Dwan Gallery de New York. C'est le coup d'envoi d'un phénomène apparu dès la fin de l'année précédente, mais qui acquiert dès lors une large visibilité. L'exposition et le symposium Earth Art auront lieu l'année suivante à Ithaca, au White Museum. On y retrouve Morris, Oppenheim et Smithson, les autres artistes présentés étant Neil Jenny (né en 1945), David Medalla (né en 1942), Richard Long et Jan Dibbets (né en 1941). Le terme land art a été utilisé par Walter De Maria, dès le début des années 1960, pour caractériser ses projets alors virtuels. C'est ce même terme qu'adoptera Gerry Schum (1938-1973) dans sa série de courts films, Land Art (Long, Smithson, Oppenheim, De Maria, Dibbets, Boezem, Flanagan et Heizer, qui retirera son film au dernier moment), qu'il produira et montrera en 1969 à la Fernsehgalerie, la « galerie télévision », en Allemagne.
Le fait que l'on compte parmi les premiers artistes du land art un Anglais – Richard Long (qui reniera plus tard cette appartenance) – et un Hollandais comme Jan Dibbets (qui, sans en faire vraiment partie, a contribué à ce que l'on peut appeler sa définition) s'explique par l'influence de l'art américain sur Anthony Caro, leur professeur à la St. Martin School à Londres, et par un certain nombre d'événements artistiques européens dont le plus important fut Quand les attitudes deviennent formes, l'exposition organisée par Harald Szeemann, en 1969, à Berne. Mais ces artistes européens, héritant d'une longue tradition liée à l'art des jardins, seront beaucoup plus concernés par le paysage comme tel.
Les artistes américains du land art travaillent sur de vastes espaces, à des échelles sans commune mesure avec ce que l'on connaît sur le Vieux Continent. Ils utilisent des références aux civilisations préhispaniques : Michael Heizer, dont le Complex City, dans le désert du Nevada, toujours en construction depuis 1972, a déjà l'allure d'un gigantesque centre cérémoniel méso-américain ; ou Robert Morris qui a construit à Ijmuiden, Pays-Bas, pour l'exposition Sonsbeek, l'installation temporaire Observatory en 1971 (détruit puis reconstruit près de Emmen en 1977), en référence au Caracol de Chichén Itzá. On retrouve cette idée d'observatoire chez Charles Ross avec la plate-forme astronomique Star Axis (1971-2007) dans le désert du Nouveau-Mexique, ou chez un artiste inclassable comme James Turrell (né en 1943) qui, depuis 1977, a aménagé un volcan, le Roden Crater, dans le désert de l'Arizona.
Des artistes plus jeunes et qui n'appartiennent pas au land art, tout en ayant été inspiré par celui-ci, ont exploré ce que Morris a appelé un art de l'« espace du self », un art environnemental mais centré sur des phénomènes psycho-physiologiques. Alice Aycock (née en 1946) par exemple, empruntant au vocabulaire formel des architectures médiévales, interroge le rapport que nous avons avec notre propre corps à travers la construction d'espaces contraignants, affectivement chargés. Mary Miss s'intéresse, elle aussi, à la perception comme telle en construisant des dispositifs qui nous permettent de saisir le « cadre » qui détermine notre rapport au paysage dans ce qu'il a prétendument de plus naturel. George Trakas ménage des chemins ou des passerelles, qui lissent le sol en quelque sorte, pour permettre à chacun d'éprouver le paysage en mouvement au rythme de sa marche. À la différence des land artists, tous travaillent dans des lieux accessibles à des dimensions plus proches du corps humain.
La situation d'éloignement de nombreuses œuvres du land art suppose le recours constant à l'usage de la photographie qui documente ces œuvres, parfois éphémères – comme les premiers travaux de Michael Heizer ou de Walter De Maria sur des fonds de lacs asséchés –, souvent difficilement accessibles. Cela au même titre que les cartes, les films, les textes ou les conteneurs pleins de sable ou de cailloux, qui jouent le rôle de ce que Smithson appelait des non-sites par rapport aux sites d'où proviennent ces matériaux et dont témoignent ces images. Mais ces œuvres, pour la plupart, ne se réduisent pas à leur seule perception photographique ; elles sont aussi faites pour être vues in situ, si reculés que soient leurs lieux d'inscription.
Reste que ces pratiques, en essayant d'assumer comme telles un certain nombre de contradictions et de repenser des oppositions traditionnelles (art/nature, intérieur/extérieur, temps individuel/temps historique, discours/œuvres), ont ouvert un espace de réflexion extrêmement fécond pour l'art. L'artiste de surcroît s'est inscrit dans un contexte naturel en œuvrant parfois comme paysagiste, comme agriculteur ou comme écologue, tout en conservant à sa pratique la dimension qui lui est propre et qui le distingue de ces acteurs du monde social dont la démarche en retour peut parfois comporter quelque chose d'artistique – que l'on songe en particulier aux paysagistes. Une des conséquences les plus notables a été de remettre en question le rôle traditionnellement réservé aux musées dont le concept ne saurait être « indéfiniment extensible », comme le disait déjà en 1974 William Rubin, alors directeur du Museum of Modern Art de New York ; ce qui supposait que l'on imagine d'autres lieux ou d'autres espaces pour montrer l'art d'aujourd'hui.
Robert Morris, en 1961, produit sa première sculpture minimaliste au Living Theatre à l'occasion d'une performance organisée par La Monte Young et destinée en partie à financer l'anthologie que ce dernier fera paraître en 1963. C'est dans cette même anthologie que Walter De Maria publiera, parmi d'autres textes programmatiques, Artyard, daté de 1960, où il propose la création d'un « chantier d'art » qu'il imagine comme un vaste trou dont l'excavation serait l'art lui-même. En fait, parallèlement aux minimalistes, dont Morris fait partie pendant un temps et dont De Maria, Oppenheim ou Robert Smithson (ce dernier participera à l'exposition Primary Structure en 1966 au Jewish Museum) semblent proches sur le plan formel, ces artistes vont s'interroger sur la capacité des musées ou des galeries à pouvoir montrer ces nouvelles formes d'art, qui de sculpture n'ont peut-être plus que le nom et qu'il faut englober dans ce que la critique d'art américaine Rosalind Krauss a appelé un « champ élargi ». Ce champ, selon cette dernière, devrait intégrer des paramètres comme le paysage et l'architecture qui, diversement combinés, permettraient de reconsidérer la notion de site et de sculpture. Citons parmi les artistes de cette combinatoire non seulement ceux que l'on connaîtra bientôt sous le nom de land artists, mais également d'autres comme Richard Serra (né en 1939), Alice Aycock (née en 1946), Mary Miss (née en 1944), Charles Simonds (né en 1945), George Trakas (né en 1944), Robert Irwin (né en 1928), Hamish Fulton (né en 1946).
Il est vrai que la question du site va être centrale pour ces artistes dont les objets entretiennent avec ce qui les environne des relations complexes qu'il faut prendre en compte pour en apprécier la nature. Les « sculptures » de Donald Judd, Carl André ou Robert Morris manifestaient un rapport spécifique à leurs lieux d'exposition. Si bien que, dès 1966, réfléchissant à ce rapport dans Notes on Sculpture II, Morris posait la question : « Pourquoi ne pas mettre l'œuvre à l'extérieur et modifier un peu plus les termes du rapport ? Un réel besoin se fait sentir de franchir cette nouvelle étape. » C'est ce passage qu'effectueront certains artistes américains dont les œuvres, en participant à ce que le critique Harold Rosenberg appelait la « dé-définition » de l'art, vont faire l'objet d'appellations variées comme art total, art écologique, art environnemental, etc.
1. Le corps mis en jeu, le processus
Au début des années 1960, on assiste à un décloisonnement des arts. Les Happenings d'Alan Kaprow (1927-2006) et les Events de Fluxus redistribuent les lignes de partage entre spectateurs et acteurs, produisant ainsi de nouveaux espaces artistiques et sollicitant la collaboration des arts de la scène et du spectacle vivant aussi bien que de la musique ou des arts plastiques, de la poésie ou du cinéma expérimental. La séance au Black Mountain College (Caroline du Nord) en 1952 avec John Cage (1912-1992), Merce Cunningham (né en 1919), Charles Olson (1910-1970), Robert Rauschenberg (né en 1925), David Tudor (1926-1996) est, de ce point de vue, emblématique.La conscience de ces nouveaux types d'espace va de pair avec de nouvelles pratiques corporelles : la New Dance emprunte aux arts plastiques, qui en retour donnent au corps un nouveau statut. Confronté aux éléments naturels les plus simples, la glaise en particulier, le corps y marque son empreinte, comme dans l'œuvre brutalement interrompue d'Anna Mendieta (1948-1985), ou semble y rechercher une unité première, comme pour mieux s'en arracher (Charles Simonds, dans le film Birth, 1970). Ces possibilités, explorées pour elles-mêmes, conduiront certains artistes comme Dennis Oppenheim (né en 1938) à pratiquer le body art (Parallel Stress, 1970) qui connaîtra rapidement un développement autonome.
Si beaucoup d'artistes sont alors attentifs à la transformation des matériaux et des éléments, ce n'est pas forcément pour les mêmes raisons. Certains comme Hans Haacke (né en 1936 ; Condensations Boxes, 1963-1965 ; Fog Swamping Erosion, 1969) ou Dennis Oppenheim (Directed Seeding-Cancelled Crop, 1969) ont essayé de montrer les relations multiples qui peuvent exister entre l'œuvre et son environnement naturel, les changements physiques qui en résultent (gel, condensations, évaporations), tout en s'intéressant à ce même environnement d'un point de vue sociopolitique (par exemple, en annulant artistiquement le processus de production d'une récolte, dans le cas d'Oppenheim, ou en mettant en lumière les mécanismes de circulation et d'acquisition des œuvres, comme le fit plus tard Haacke). La part du hasard ici n'est pas négligeable, elle est même de plus en plus intégrée dans les arts depuis Marcel Duchamp mais surtout avec John Cage, imprégné de la philosophie orientale qu'il a étudiée avec Taro Suzuki dans les années 1950.
Des artistes comme Charles Ross (né en 1937), Peter Hutchinson (né en 1930) ou Newton Harrison (né en 1929) et sa femme Hélène Mayer Harrison (née en 1932) ont créé des conditions d'expérimentation permettant de produire des formes de nature considérées comme des œuvres de l'art. Ross, en plaçant tous les jours au soleil, sous une loupe, des planches de bois, obtint ainsi un dessin en double spirale qui fit l'objet d'une exposition (Sunlight Convergence/Solar Burns, 1971-1972) et d'un livre du même titre. Hutchinson, qui avait suivi des études de génétique, s'intéressa aux développements et aux transformations des matériaux dont il montre la décomposition dans une œuvre comme Threaded Calabash (1969) – des fruits, reliés en leur centre par une corde de douze mètres et plongés dans l'eau à une profondeur de plus de trois mètres, se délitent progressivement.
2. L'art écologique
Avec le cycle du Lagon, commencé en 1974, les Harrison, actifs dès la fin des années 1960, ont développé un discours écologique à partir de la production de cartes, de photographies de dessins et de textes, créant ainsi une œuvre de très grande dimension (130 m de longueur environ sur près de 2,50 m de hauteur). Cette « fresque » gigantesque, qui a été montrée en 1996 à Paris lors de l'exposition Villette-Amazone, doit être perçue, selon eux, comme une « narration environnementale ».En 1962, une biologiste, Rachel Carlson, publie Silent Spring, un ouvrage qui dénonce l'usage de pesticides et ses retombées catastrophiques sur le milieu naturel. Le livre marque les esprits mais l'heure n'est pas encore à la mobilisation dans ce domaine, et son impact hors des milieux intellectuels et artistiques reste limité. Aux États-Unis, on peut faire remonter la pensée environnementaliste à Henry David Thoreau (1817-1862) et au transcendantalisme. John Muir (1838-1914), le fondateur en 1892 de la première association écologiste américaine, le Sierra Club, et Aldo Léopold (1887-1948), l'auteur de l'Almanach d'un comté des sables (1949), en sont les inspirateurs les plus connus. Mais l'harmonie qu'ils prônent avec la nature n'a pas encore pris la dimension d'un projet social. Alan Sonfist (né en 1946), très tôt préoccupé d'écologie, tentera ainsi de reconstituer au sud de Manhattan, sur une surface d'une centaine de mètres carrés, le biotope du site avant l'arrivée des colons en se faisant aider de divers chercheurs qui lui ont ainsi permis, en 1965, de réaliser cette reconstitution à laquelle il donnera le nom de Time Landscape. C'est dans ces années-là, en effet, que naît l'idée d'un art écologique, dont l'exposition Ecological Art (mai-juin 1968) à la John Gibson Gallery de New York annonce les prémices. Il faudra néanmoins attendre les années 1970-1980 pour que les pratiques artistiques se soucient véritablement d'écologie.
En 1982, lors de la Documenta 7, Joseph Beuys (1921-1986) plantera 7 000 chênes à Kassel, en Allemagne, et créera en même temps un parti vert. La même année Agnes Denes (née en 1931) réalisera une intervention, connue sous le nom de Wheatfield-A Confrontation, à Battery Park, au sud de Manhattan, en semant du blé sur ce qui était alors un immense terrain vague de près de 8 000 mètres carrés. Elle le moissonnera quelques mois plus tard et mettra ainsi en évidence l'opposition entre les gestes simples, qui permettent à un sol pollué de redevenir cultivable, et les arbitrages économiques complexes en matière agroalimentaire de l'une des places financières les plus puissantes du monde. Dès les années 1980, Hermann Prigann (né en 1942) mettra toute son énergie à dénoncer les ravages de l'industrie polluante à travers d'imposantes sculptures, qui empruntent souvent aux formes de l'art mégalithique. Plus récemment, l'artiste Mel Chin (né en 1951) a commencé à travailler, avec le scientifique Rufus Chaney, à la mise au point d'un site de dépollution naturelle en utilisant des techniques de « phytoremediation » grâce à la sélection de plantes capables d'absorber du cadmium et autres déchets industriels toxiques. Ce premier Revival Field (1990), ainsi qu'il nomme cette œuvre, a connu depuis plusieurs versions.
3. L'art végétal
Il existe toute une famille d'artistes qui pratique ce que l'on pourrait appeler un « art végétal ». Andy Goldsworthy (né en 1956), Nils-Udo et Bob Verschueren en sont ses représentants les plus connus. Le premier, qui vit en Écosse, s'est fait connaître à la fois pour ses délicates réalisations de sculptures en glace ou de lacis végétaux et pour ses constructions de murs en pierre sèche, qui jouent avec les divisions spatiales les plus arbitraires en réinterrogeant le sens des limites juridiques. Il a aussi érigé des sculptures de forme ovoïde de plus de deux mètres de hauteur qui tiennent par leur propre poids et se dressent, telles des sentinelles, dans le paysage.Le travail de l'Allemand Nils-Udo (né en 1937) se veut aussi proche que possible d'une nature intouchée. « C'est la nature en tant que telle qui m'intéresse. Toute intervention humaine signifie destruction », déclare-t-il. En quoi il est tout à fait opposé à une attitude comme celle de Robert Smithson (1938-1973), qui considère que l'homme est un facteur de bouleversements aussi naturels que n'importe quel autre. Chez Nils-Udo, la photographie témoigne de son travail de sculpteur et rend compte de la fragilité de ses réalisations en feuilles, en fleurs, piquées, tressées et délicatement nouées. Bob Verschueren, né en Belgique en 1945, travaille avec des feuilles et des branches aussi bien à l'extérieur que dans des galeries, où il se livre à des compositions colorées éphémères, faites de matériaux qui se transforment peu à peu.
Goldsworthy s'inscrit dans une tradition anglaise de sculpteurs qui ont travaillé depuis 1977 dans la forêt de Grizedale (Grande-Bretagne), Taking a Wall for a Walk ! (1990), à la suite de David Nash et Richard Harris. Ces artistes œuvrent sur toute la gamme du végétal, depuis le tronc jusqu'aux feuilles, et vont ainsi d'une logique de l'objet, dans une optique plus traditionnelle, à un art du presque rien dont le support devient essentiellement photographique. Ainsi, les artistes français Gilles Bruni (né en 1959) et Marc Babarit (né en 1958), qui réalisent des installations paysagères destinées à être photographiées, peuvent aussi être considérés comme appartenant à cette famille d'artistes.
4. Land art
Travailler dans un environnement naturel ne signifie pas ipso facto faire du land art, comme on a trop souvent tendance à le croire aujourd'hui. Le land art est un mouvement historique né à la fin des années 1960 qui hérite souvent d'une esthétique minimaliste et qui, lié à une certaine compréhension du site, est caractérisé par l'utilisation de matériaux naturels, la terre et ses dérivés.Parmi ces land artists, certains s'intéressent prioritairement à ces matériaux comme Michael Heizer (né en 1944), pour qui les déserts de l'Ouest permettent de faire des œuvres de grande taille en travaillant avec des masses considérables. D'autres voient dans la nature le prolongement des galeries – Robert Smithson avec ses non-sites ou Dennis Oppenheim qui a reporté les limites de certains espaces d'exposition sur des espaces naturels plus ou moins reculés (galeries transplant). D'autres encore y trouvent l'occasion d'une expérience possible du sublime – Walter De Maria (né en 1935) – ou encore le lieu d'une pratique quasi rituelle à travers la marche dans le paysage dont l'œuvre exposée sous forme de photographies, cartes, textes, alignements de pierres ou cercles de branchages n'est que le reliquat (Richard Long, né en 1945 ou Hamish Fulton, né en 1946). Mais ce peut être aussi une nouvelle façon d'explorer les phénomènes de la perception et de la lumière (Nancy Holt, née en 1938, avec ses Locators en 1972 ou ses Sun Tunnels en 1973-1976) ou de produire des œuvres monumentales, spécifiques à leurs sites comme le Double Negative (1969-1970) de Heizer à Mormon Mesa dans le Nevada, ou la Spiral Jetty (1970) de Smithson à Rozel Point, Grand Lac Salé, dans l'Utah.
Il ressort de tout cela que divers scénarios sont possibles pour penser un ensemble de pratiques artistiques qui se recoupent par bien des aspects et dont la dénomination dépend de la façon dont on privilégie tel ou tel de ces aspects. Des artistes environnementalistes, comme Christo (né en 1935) et Jeanne-Claude (née en 1935) [Running Fence, Sonoma et Marin, 1972-1976, par exemple] et certains qui se trouvent impliqués dans des stratégies paysagères comme Patricia Johanson (née en 1940) [Fair Park Lagoon Dallas, Texas, 1981] ou dans des opérations de land reclamation comme Mierle Laderman Ukeles (née en 1939), contribuent à nous rendre sensibles au milieu naturel que nous construisons et où nous vivons. Reste que le scénario le plus connu aujourd'hui est celui qui porte le nom de land art. Il est la résultante d'un certain nombre de paramètres que nous venons d'évoquer, mais qui sont en même temps surdéterminés par un rapport privilégié à la terre, conçue à la fois comme matériau et comme surface d'inscription. À quoi il convient d'ajouter la dimension, d'une part, historique du phénomène – le fait que ces artistes, tout en héritant de certaines pratiques de la décennie précédente, engagent un dialogue polémique avec le modernisme tel que l'a formulé Clement Greenberg – et, d'autre part, géographique – le caractère d'abord américain de cet art auquel les déserts de l'Ouest, en particulier, offrent des possibilités plastiques pour des projets impressionnants dont la réalisation suppose parfois des moyens économiques sans commune mesure avec ce qu'il est alors possible de faire en Europe.
L'exposition Earthworks, avec Carl Andre, Robert Smithson, Dennis Oppenheim, Robert Morris, Michael Heizer, Claes Oldenbourg (né en 1929), Stephen Kaltenbach (né en 1940), Charles Ross et Herbert Bayer (1900-1985), ouvre en 1968 à la Dwan Gallery de New York. C'est le coup d'envoi d'un phénomène apparu dès la fin de l'année précédente, mais qui acquiert dès lors une large visibilité. L'exposition et le symposium Earth Art auront lieu l'année suivante à Ithaca, au White Museum. On y retrouve Morris, Oppenheim et Smithson, les autres artistes présentés étant Neil Jenny (né en 1945), David Medalla (né en 1942), Richard Long et Jan Dibbets (né en 1941). Le terme land art a été utilisé par Walter De Maria, dès le début des années 1960, pour caractériser ses projets alors virtuels. C'est ce même terme qu'adoptera Gerry Schum (1938-1973) dans sa série de courts films, Land Art (Long, Smithson, Oppenheim, De Maria, Dibbets, Boezem, Flanagan et Heizer, qui retirera son film au dernier moment), qu'il produira et montrera en 1969 à la Fernsehgalerie, la « galerie télévision », en Allemagne.
Le fait que l'on compte parmi les premiers artistes du land art un Anglais – Richard Long (qui reniera plus tard cette appartenance) – et un Hollandais comme Jan Dibbets (qui, sans en faire vraiment partie, a contribué à ce que l'on peut appeler sa définition) s'explique par l'influence de l'art américain sur Anthony Caro, leur professeur à la St. Martin School à Londres, et par un certain nombre d'événements artistiques européens dont le plus important fut Quand les attitudes deviennent formes, l'exposition organisée par Harald Szeemann, en 1969, à Berne. Mais ces artistes européens, héritant d'une longue tradition liée à l'art des jardins, seront beaucoup plus concernés par le paysage comme tel.
Les artistes américains du land art travaillent sur de vastes espaces, à des échelles sans commune mesure avec ce que l'on connaît sur le Vieux Continent. Ils utilisent des références aux civilisations préhispaniques : Michael Heizer, dont le Complex City, dans le désert du Nevada, toujours en construction depuis 1972, a déjà l'allure d'un gigantesque centre cérémoniel méso-américain ; ou Robert Morris qui a construit à Ijmuiden, Pays-Bas, pour l'exposition Sonsbeek, l'installation temporaire Observatory en 1971 (détruit puis reconstruit près de Emmen en 1977), en référence au Caracol de Chichén Itzá. On retrouve cette idée d'observatoire chez Charles Ross avec la plate-forme astronomique Star Axis (1971-2007) dans le désert du Nouveau-Mexique, ou chez un artiste inclassable comme James Turrell (né en 1943) qui, depuis 1977, a aménagé un volcan, le Roden Crater, dans le désert de l'Arizona.
Des artistes plus jeunes et qui n'appartiennent pas au land art, tout en ayant été inspiré par celui-ci, ont exploré ce que Morris a appelé un art de l'« espace du self », un art environnemental mais centré sur des phénomènes psycho-physiologiques. Alice Aycock (née en 1946) par exemple, empruntant au vocabulaire formel des architectures médiévales, interroge le rapport que nous avons avec notre propre corps à travers la construction d'espaces contraignants, affectivement chargés. Mary Miss s'intéresse, elle aussi, à la perception comme telle en construisant des dispositifs qui nous permettent de saisir le « cadre » qui détermine notre rapport au paysage dans ce qu'il a prétendument de plus naturel. George Trakas ménage des chemins ou des passerelles, qui lissent le sol en quelque sorte, pour permettre à chacun d'éprouver le paysage en mouvement au rythme de sa marche. À la différence des land artists, tous travaillent dans des lieux accessibles à des dimensions plus proches du corps humain.
La situation d'éloignement de nombreuses œuvres du land art suppose le recours constant à l'usage de la photographie qui documente ces œuvres, parfois éphémères – comme les premiers travaux de Michael Heizer ou de Walter De Maria sur des fonds de lacs asséchés –, souvent difficilement accessibles. Cela au même titre que les cartes, les films, les textes ou les conteneurs pleins de sable ou de cailloux, qui jouent le rôle de ce que Smithson appelait des non-sites par rapport aux sites d'où proviennent ces matériaux et dont témoignent ces images. Mais ces œuvres, pour la plupart, ne se réduisent pas à leur seule perception photographique ; elles sont aussi faites pour être vues in situ, si reculés que soient leurs lieux d'inscription.
Reste que ces pratiques, en essayant d'assumer comme telles un certain nombre de contradictions et de repenser des oppositions traditionnelles (art/nature, intérieur/extérieur, temps individuel/temps historique, discours/œuvres), ont ouvert un espace de réflexion extrêmement fécond pour l'art. L'artiste de surcroît s'est inscrit dans un contexte naturel en œuvrant parfois comme paysagiste, comme agriculteur ou comme écologue, tout en conservant à sa pratique la dimension qui lui est propre et qui le distingue de ces acteurs du monde social dont la démarche en retour peut parfois comporter quelque chose d'artistique – que l'on songe en particulier aux paysagistes. Une des conséquences les plus notables a été de remettre en question le rôle traditionnellement réservé aux musées dont le concept ne saurait être « indéfiniment extensible », comme le disait déjà en 1974 William Rubin, alors directeur du Museum of Modern Art de New York ; ce qui supposait que l'on imagine d'autres lieux ou d'autres espaces pour montrer l'art d'aujourd'hui.
Gilles A. TIBERGHIEN